Au Coin du Tricar

Rivierre

 
Gaston Rivierre, portrait 1898
Gaston Rivierre en 1898

Il existe plusieurs biographies assez exhaustives sur le cycliste Gaston Rivierre, raison pour laquelle nous pouvons laisser de côté cette étape de sa vie (voir Le Petit Braquet  et le journal Match du 6 mai 1930, p. 3). Il en va autrement pour sa carrière de constructeur de motocyclettes et de tricars, laquelle n'a pas été abordée d'une manière cohérente jusqu'à présent.
  
deux affiches, Rivierre sur bicyclette acatène La Métropole et Omega
 
Louis-Clément-Gaston Rivierre est né à Asnières le 3 juin 1862 comme fils du menuisier Alphonse François Rivierre et de sa femme Eugénie Arsène Chesneau. Le 9 janvier 1906, il épousa Marguerite Adeline Clarisse Marie Rezette, suite au divorce de sa première femme, Marie Esther Collas. Parmi les témoins étaient son ami Camille Aimé Contal et son frère Jules Rivierre. Gaston Rivierre est décédé le 30 novembre 1942 à La Garenne-Colombes.
En 1881, Rivierre entra à l'École militaire de Saint-Cyr, mais il dut renoncer à une carrière militaire en raison d'un début de goitre. Après des études d'ingénieur à l'École polytechnique, il se consacra au cyclisme et, malgré son âge avancé, remporta en 1896, 1897 et 1898 la course Bordeaux-Paris et en 1896 le Bol d'Or sur des vélos acatènes des marques Métropole et Omega.
Rivierre dirigeait en outre jusqu'en 1898 le journal de métallurgie "Le Forgeron", établi au faubourg Saint-Antoine.

Au plus tard à partir de 1897, Rivierre se tourne aussi vers la motocyclette, sans pour autant abandonner le vélo. Cette année-là, il fait breveter une bicyclette d'entraînement "système Gaston Rivierre", qui était également apte à la circulation routière.
Sur le dessin ci-dessous, le moteur est disposé entre le tube de selle et la fourche arrière, attaché à un berceau formé par un tube cintré auquel sont fixées la boîte de la manivelle du moteur (E) et la fourche. L'extrémité de ce tube cintré, qui est reliée au pédalier, porte le pot d'échappement (x). La fourche arrière est facilement démontable, car elle est boulonnée sur le berceau du moteur et les haubans sont vissés sur le tube de selle.

1897, bicyclette d'entraînement système Rivierre, dessin

L'allumage se fait par bobine (b) et accumulateur (B) ; le carburateur à léchage est connecté à un réservoir d'essence (D). Un tube de dérivation (d) amène une partie des gaz d'échappement chauds au carburateur pour faciliter l'évaporation de l'essence.
La transmission fait appel à un engrenage réducteur "e, E" qui transmet la force du moteur à l'axe "a" sur lequel sont calées deux roues de chaîne du même diamètre. L'une transmet à l'axe "a" via une chaîne la force du cycliste exercé sur l'axe "O" de la roue "P". L'autre communique au moyeu de la roue arrière "R", au moyen du pignon de la chaîne "r", la puissance totalisée transmise à l'arbre "a" par le moteur et par le cycliste. Ce dernier peut se reposer à volonté pour laisser agir le moteur seul.
On sait que Gaston Rivierre a atteint avec cette moto une vitesse de 50 km/h sur bonne route.
Encore en 1897, il se met ensemble avec son ami Léonce Aimable Victor Girardot (voir l'annotation en bas de la page), un ancien cycliste qui s'associe cette même année avec Fernand Charron et Émile Voigt (ci-contre). L'Agence générale des automobiles F. Charron, Girardot et Voigt, sise au 2, rue Brunel, à Paris, est inaugurée le 9 octobre 1897. Par la suite, le duo Rivierre et Girardot fait breveter au moins deux motocyclettes. Il semble que Rivierre et Girardot aient travaillé ensemble sur ces motos dans l'atelier de la société C.G.V., dont l'adresse apparaît sur un brevet.
 
Léonce Girardot sur un mototricycle et Gaston Rivierre sur bicyclette. Photos Jules Beau 1897 ou 98
Léonce Girardot et Gaston Rivierre en 1897 ou 1898 (agrandir)
 
Également en 1897, Rivierre et Girardot font breveter un tandem d'entraînement à deux moteurs (brevet non retrouvé. Le dessin ci-dessous est issu du brevet allemand, Deutsches Reichspatent D.R.P. Nr. 95613 ; le texte du brevet avec la description de l'appareil est malheureusement manquant).
 
 tandem d'entraînement à deux moteurs, breveté par Rivierre et Girardot
 
Le cadre ressemble à celui d'un tandem Chanon à doubles barres horizontales dont on a augmenté la longueur de la partie centrale pour monter deux moteurs de Dion-Bouton qui sont fixés sur le tube horizontal inférieur. Un dispositif de serrage (m1) qui relie les carters, permet de centrer leurs axes de manière exacte. L'entretoise verticale "e" porte un axe "e1" monté sur des roulements à billes sur laquelle sont calées trois roues de chaîne. La roue intérieure est reliée par la chaîne "f" à la roue dentée "f1" actionnée par le cycliste de tête, tandis que la roue dentée extérieure (g) est reliée à la roue extérieure du pédalier (g1) du cycliste de queue par la chaîne "g2". La chaîne "h" relie les pignons "i" et "i1" placés sur les arbres moteurs à la roue moyenne calée sur l'axe "e1". Sur l'axe du pédalier du cycliste de queue sont calées deux roues dentées "g1, k1". Les forces des moteurs et des cyclistes sont transmises au pignon "k" sur le moyeu de la roue arrière au moyen de la chaîne "k2" qui relie la roue "k1" calée sur l'axe du pédalier au moyeu. Comme sur la moto d'entraînement ci-dessus, les cyclistes peuvent se reposer pendant la marche des moteurs. Le cycliste de tête s'occupe de la direction et du freinage et son coéquipier de queue du réglage des moteurs, dont la synchronisation aura été difficile. 
Ce tandem est très probablement la motocyclette avec laquelle Rivierre, selon ses propres dires, atteignit une vitesse de 80 km/h.

Au Salon de Paris 1898, Rivierre présente une motocyclette à moteur de Dion-Bouton qui, selon un journaliste du Touring Club, était lourde, encombrante et manquait de grâce. Nous ne savons pas si cet enfant décrié de l'inventeur fertile a un rapport avec la bicyclette à pétrole Rivierre-Girardot que l'on voit sur le dessin ci-dessous. Celui-ci est issu du brevet anglais (Nº 30,098, accepted 19/2/1898), demandé par Gaston Rivierre, "Gentleman", et Léonce Girardot, "les deux établis au 2, rue Brunel, à Paris" (l'adresse de la société C.G.V). 
 
motocyclette 1898, brevetée par Girardot et Rivierre. Dessin
 
L'invention porte sur la disposition spéciale de la partie arrière du cadre, la fixation du moteur dans celui-ci par des attaches et sur la transmission acatène de la force du moteur à la roue au moyen de deux grandes roues dentées. Le pignon "i" solidaire du vilebrequin transmet la force du moteur à la roue dentée intermédiaire "h", qui est placée à l'intérieur du cadre et tourne sur des roulements à billes. La roue "h" engrène à son tour avec la roue dentée "l" fixée sur le moyeu de la roue.
Notons en passant que plusieurs fabricants de bicyclettes utilisèrent à l'époque une telle transmission par roues dentées, comme par exemple la société Mechler & Cie. (Allemagne), dont le vélo ci-contre date de 1896/1897.
Selon le brevet, le but de cette transmission par succession de roues dentées est de supprimer les forces de torsion auxquelles le cadre est soumis dans le cas d'une transmission par chaîne. La transmission du moteur est placée sur le côté opposé de la chaîne de transmission qui relie le pédalier à la roue arrière comme sur un vélo ordinaire. En cas de panne de moteur, le cycliste peut continuer son chemin en pédalant, après avoir enlevé la roue intermédiaire "i" en dévissant l'écrou de fixation de celle-ci.
Le cadre est celui d'une bicyclette ordinaire dont la partie arrière est élargie d'un tiers environ et renforcée par des entretoises (p, d, n), comme sur la bicyclette à pétrole "système Rivierre" (voir l'image en haut).  
L'image ci-dessous montre Girardot sur "sa" bicyclette à pétrole, telle qu'elle fut réalisée selon le brevet et présentée sans texte accompagnant dans La Nature du 16 septembre 1899.  
 
1899 Girardot sur sa bicyclette à pétrole

Le moteur est un de Dion-Bouton 1 CV ¾ qui est alimenté par un carburateur à barbotage de Dion-Bouton, sans système de chauffage par dérivation des gaz d'échappement. L'évaporation de l'essence est favorisée par la disposition du pot d'échappement sous le carburateur qui sert à la fois comme réservoir d'essence. La batterie pour l'allumage, qui est fixée au tube horizontal, est également empruntée au tricycle de Dion-Bouton. La bobine d'allumage est fixée sur le tube de selle. La roue avant est munie d'un frein à tampon cuillère.
 
motocyclette Rivierre et Girardot 1899, dessin
 
Henri Fournier sur une motocyclette
Henri Fournier, vers 1899

 

La voiturette Rivierre

 
En décembre 1898, Gaston Rivierre présente au Salon de Paris la "Voiturette Rivierre" qu'il a peut-être construite seul, puisqu'il n'y a aucune mention d'une collaboration de Léonce Girardot.
 
La voiturette construite par Gaston Rivierre en 1899
 
Cette voiturette "gracieuse et bien disposée" selon un journaliste, est muée par un monocylindre de Dion-Bouton de 1 CV ¾ qui est monté en avant, sous le couvercle à flancs perforés. Le refroidissement est à ailettes dont l'efficacité est augmentée par le souffle d'une hélice disposée au-dessus du moteur, laquelle se met à tourner quand la voiturette est en marche. L'alimentation se fait par un carburateur Longuemare connecté au réservoir d'essence cylindrique qui est fixé en charge au tablier.
Le point le plus intéressant est la transmission qui consiste en un changement de vitesse à deux rapports plus marche arrière, deux embrayages à cône et une chaîne de transmission allant à l'une des roues arrière.
 
Le changement de vitesse de la voiturette Rivierre, dessin
 
Le petit pignon A du moteur communique le mouvement à un arbre L sur lequel sont calés deux engrenages B et C continuellement en prise avec les engrenages E et D qui sont montés fous sur l'arbre du pignon de chaîne. Le levier du changement est relié en F à une douille montée de façon coulissante sur l'arbre du pignon de la chaîne. Solidaires de la douille sont deux cônes mâles auxquels correspondent deux cônes femelles fraisés dans les flancs des engrenages E et D. Sur le dessin ci-dessus, les deux cônes se trouvent en position débrayée et le changement est en point mort. En déplaçant la douille au moyen du levier, le conducteur cale l'un ou l'autre de ces engrenages et obtient ainsi la petite (pignon D) ou la grande vitesse (pignons B-E).
La marche arrière s'obtient au moyen de la courroie J, qui, commandée par la poulie I transmet un mouvement de même sens à la poulie H, contrairement à ce qui se passe pour la transmission par engrenages de la marche avant. Pour faire agir la courroie, il suffit de débrayer les deux engrenages (levier en position point mort) et d'appuyer sur une pédale de tension.
La mise en marche du moteur se fait du siège au moyen d'une manivelle qui entraîne le système de pignons d'angle G.
 
différentiel à pignons plats et direction à sonnette et secteur. Deux dessins
 
Il n'est pas fait mention d'un différentiel, mais l'objet en forme de disque que l'on reconnaît sur l'essieu pourrait bien être un différentiel à pignons plats dont le carter porte la roue dentée de la chaîne de transmission.
La direction est probablement très simple (à pignon et secteur ou similaire); la colonne de direction verticale porte aussi le levier de vitesse.
Le châssis en fer et bois est suspendu par quatre ressorts à lames.
 

 
Les chemins de Rivierre et de Léonce Girardot se séparent en 1900. La société C.G.V. déménage à Puteaux, dans des installations beaucoup plus grandes sises au 7, rue Ampère, et se tourne vers la construction automobile. 
Par la suite, Girardot, nommé directeur technique, et Charron obtiendront conjointement plusieurs brevets concernant des inventions dans le domaine de l'automobile.
 
publicité pour la motocyclette Werner de 1901 avec photo de Rivierre
 
1900, Rivierre sur motocyclette Werner. À son côté Michel Werner
Outre son activité de constructeur, Gaston Rivierre commence à s'illustrer en compétition au guidon d'une moto Werner. Spécialiste des courses d'endurance, il fait équipe avec Auguste Bucquet, le pilote habituel de Werner, et gagne en 1901 la course Paris – Bordeaux devant son coéquipier. Il remporte la même année aussi la course Paris-Berlin et le Tour de Hollande.
 
La photo à droite montre Gaston Rivierre sur la Werner de 217 cm³ (62 x 72 mm) lors du Critérium des motocyclettes 100 kilomètres, le 31 mai 1900. L'homme à son côté est Michel Werner himself. 
 
La relation entre Rivierre et les frères Werner était de courte durée. On perçoit peut-être une certaine rivalité entre Rivierre et les Werner, auxquels il dispute la paternité de l'invention de la motocyclette dans une lettre dirigée à la rédaction de L'Auto-vélo datant du 10 avril 1902. Il participe cependant encore en 1903 à la course Paris-Madrid sur une Werner, mais doit abandonner avant d'arriver à Bordeaux.
 
 

Gaston Rivierre & Cie
Cycles, motocycles, automobiles
28, boulevard de Courbevoie
Courbevoie (Seine)


Le 19 janvier 1901, Rivierre fonde à Asnières la société au capital de 5 000 fr. "Gaston Rivierre & Cie – Cycles, motocycles, automobiles", dont la durée est limitée à cinq ans. Les locaux 
de la société se trouvaient d'abord au 16, rue du Progrès à Asnières, mais ils sont transférés en avril de la même année au 28, Boulevard de Courbevoie, à Courbevoie (Seine).

1901, publicité pour la société Gaston Rivierre & Cie
 
La création la plus originale de la maison Rivierre & Cie sera présentée au Salon de Paris 1902. Il s'agit de la "Roue Automotrice", adaptable à n'importe quelle bicyclette pour la transformer en motocyclette. Cela suppose toutefois que la fourche arrière puisse recevoir une roue dont le diamètre est beaucoup plus grand que celui de la roue d'avant (dessin ci-dessous). Une fourche adaptable faisait donc probablement partie du kit. Également partie du kit faisait le réservoir d'essence qui est encastré dans le cadre comme sur la motocyclette Rivierre dont nous parlons ci-dessous. Le moyeu de la roue est un moteur rotatif de deux cylindres à plat ou de quatre cylindres disposés en étoile. Le vilebrequin est fixe, de sorte que le carter et les cylindres tournent avec la roue. Les "rayons" renforcés sont attachés au carter moteur (à la différence de la "roue soleil" de Félix Millet où les cylindres forment à la fois les "rayons"). Comme d'habitude sur un moteur rotatif, le refroidissement est à ailettes, car la vitesse de rotation favorise le refroidissement à air. 

Roue Automotrice de Rivierre & Cie, présentée au Salon 1902
La Roue Automotrice Rivierre de 1 HP ¾.
 
Le moteur Rivierre est un moteur deux-temps dont les détails de construction ne sont pas connus. On apprend cependant qu'il s'agit d'un moteur à piston-pompe. Cela veut dire que d'une paire de cylindres, seulement l'un travaille, tandis que l'autre sert à aspirer et pré-comprimer le mélange gazeux qui sera ensuite transféré au cylindre moteur via les tubes qui connectent deux cylindres respectivement sur le dessin ci-dessus. 
On apprend également qu'il n'y a pas de distribution ni de soupape d'échappement. La cylindrée unitaire du moteur était de 123,61 cm³ (54 x 54 mm), la puissance du quatre cylindres était de 1 HP ¾.
moteur rotatif, schémaOrdinairement, l'alimentation d'un moteur rotatif se fait via le carter par un mélange d'air et d'essence, à laquelle on a ajouté de l'huile. Le carburateur communique directement avec le vilebrequin creux, qui n'a qu'un seul maneton sur lequel tournent la bielle maîtresse avec les bielles secondaires (ci-contre ; cette construction, qui est celle des moteurs d'avion, n'est présentée ici qu'à titre d'exemple, il y avait de nombreuses constructions très différentes à l'époque).
En raison de l'alimentation via le carter, qui est difficile à contrôler, le moteur rotatif (comme le moteur deux-temps ancien) tourne à régime constant. L'allumage du moteur peut donc être "simple" (Rivierre), c'est-à-dire à avance fixe. Afin de ralentir dans les agglomérations, on coupait momentanément l'allumage.
L'atout d'un moteur rotatif est son poids réduit, parce que sa masse en rotation rend un volant superflu (le moteur Rivierre renonce toutefois en partie à cet avantage à cause des cylindres à piston-pompe qui l'alourdissent). Par contre, le rendement d'un moteur rotatif est relativement faible et la consommation surtout en huile est élevée à cause de la rotation. Il est bien possible que les petits tubes d'échappement que l'on reconnaît sur les cylindres aient craché allègrement de l'huile sur le pneu à vive allure !
Après le Salon 1902, on n'écoute plus rien de la Roue Automotrice Rivierre qui tombait dans l'oubli comme les autres moteurs rotatifs pour automobiles dont les brevets proliférèrent à l'époque.
 
Fin 1903, Gaston Rivierre participa à plusieurs épreuves avec des motos "Gaston Rivierre" quart de litre. La photo ci-dessus fut prise lors du Concours d'endurance sur 1 000 kilomètres, organisé par le Motocycle Club de France du 10 au 15 novembre 1903. Rivierre ne fut pas classé.
 
1903, Rivierre et sa motocyclette "Rivierre" quart de litre, photo J. Beau
 
publicité pâte Rivierre pour cônes et courroiesLa photo le montre avec sa motocyclette Rivierre. (L'opinion qu'il s'agit d'une Werner provient d'une erreur du journal La Vie au Grand Air. Dans un article rétrospectif datant du 31 décembre 1903, Georges Prade parle de la victoire de Rivierre sur une Werner dans la course Paris-Berlin en 1901. Mais au lieu de montrer le pilote avec la Werner gagnante [voir plus haut], on a choisi la photo ci-dessus).
Le moteur est un de Dion-Bouton de 248, 67 cm³ (67 x 70 mm). Celui-ci est une fois de plus placé entre le tube de selle et la roue d'arrière, une disposition qui est apparemment caractéristique des motos Rivierre ("système G. Rivierre"). Mais, à la différence de la motocyclette d'entraînement (voir plus haut), le tube cintré formant un berceau pour le moteur est absent et la fourche arrière est boulonnée directement sur deux tenons creux qui sont solidaires des platines en fer plat supportant le carter moteur qui à son tour est devenu un élément porteur du cadre. La fourche entière est donc facilement démontable comme sur la Rivierre brevetée en 1897, car les haubans sont vissés sur le tube de selle.
Le grand réservoir d'essence, qui est apparemment emprunté au kit de la Roue Automotrice (ci-dessus), s'encastre exactement dans le cadre (le réservoir d'huile se situe peut-être en arrière de celui, du côté opposé à l'observateur). La fourche haubanée est rigide. La roue avant est dotée d'un petit frein, un accessoire assez rare sur une moto française avant 1914. Le deuxième frein est un frein à enroulement ou à ruban, placé sur le côté droit du moyeu de la roue arrière. La transmission se fait par "chaîne à embrayage". Cette motocyclette est apparemment déjà munie de la version à simple débrayage (c.-à-d. à vitesse unique) du "moyeu à débrayage applicable aux motocyclettes" ("moyeu Rivierre"), lequel Rivierre fera breveter le 29 novembre 1904. Notez que la chaîne reliant le pédalier au moyeu de la roue arrière se trouve aussi sur le côté gauche. 

Déjà en septembre 1903, Rivierre avait participé au Critérium du Quart de Litre (16 – 20 septembre 1903) avec une autre moto (ci-dessous). Dans la liste des engagements figurent trois motos "Gaston Rivierre" I-III, dont aucune n'apparaît dans la liste des résultats, où figurent aussi l'alésage et la course des moteurs ainsi que le type de transmission des motos classées.
 
moteur MonarqueSur la moto ci-dessus, le moteur a pris la place du pédalier dans un cadre ouvert et assez "orthodoxe". Il s'agit d'un moteur Monarque (2 HP ¼) avec culasse montée encore sur des colonnes d'assemblage (à partir de 1904, semble-t-il, le cylindre fut boulonné sur le carter, ci-contre. Un grand merci à Jean-Luc Lamouroux qui n'a pas hésité à se déplacer pour prendre la photo du moteur Monarque). La distribution se fait par une seule came, un poussoir et une tige qui actionne un double culbuteur lequel appuie alternativement sur les deux soupapes (voir le blog de Jean Bourdache). Le fait que l'on reproche parfois à ce système le manque de croisement reflète un point de vue moderne pas tout à fait approprié. Car en vue de la vitesse encore très lente des moteurs, on préconisait à l'époque l'ouverture  de la soupape d'admission peu après le point mort supérieur du piston : "la soupape d'admission commandée doit s'ouvrir avec un très léger retard (au plus deux millimètres après le point mort haut) et se fermer avec un retard assez considérable …" (A. Coqueret, 1910).
Ce moteur fut construit par Émile Narcisse Adolphe Loire (*24 juin 1867 à Agnetz, Oise, + 24 février 1946 à Neuilly-sur-Seine) qui demanda le 14 septembre 1903 un brevet concernant une "commande mécanique des soupapes d'admission et d'échappement des moteurs à explosions", Nº 335.791 (ci-dessous. Vers le brevet intégral). Émile Loire, "faisant le commerce de moteurs pour automobiles" fit faillite le 3 mars 1906. 
 
 dessins du brevet d'Emile Loire, moteur Monarque, 1903
 
Le réglage du carburateur "automatique" Guerry se fait par une seule manette placée sur le corps. La transmission s'effectue par chaîne et embrayage qui est apparemment logé dans le moyeu Rivierre à vitesse unique. Un détail voyant est la fixation du carter sur une platine reliant le tube de selle au carter. Le pédalier, dont l'axe était monté dans le logement prévu dans l'extrémité du tube de selle, fut supprimé et remplacé par deux repose-pieds.
Le cadre assez court, dont le tube oblique est légèrement cintré, ressemble fortement à celui de la moto Monarque conservée que l'on peut admirer sur le blog cité plus haut de J. Bourdache. Mais Rivierre a enlevé le pédalier et modifié le support moteur par la platine de fixation.
 Rivierre a aussi renforcé la fourche par deux haubans. Une selle et un guidon "compétition" complètent la transformation en une moto de course. 
La moto originale pourrait bien être une Monarque et la photo de Jules Beau serait la plus ancienne image connue du modèle 2 HP ¼Pourtant, la modification du support du moteur n'a pas beaucoup de sens dans le cas d'un cadre qui fut construit pour recevoir un moteur Monarque. Il faudra donc compter avec la possibilité que Rivierre a adapté le moteur Monarque à un cadre d'origine inconnue.

On a l'impression que la participation des motos "Rivierre" dans les épreuves n'avait pas pour but d'établir Gaston Rivierre comme constructeur de motocyclettes. Ces engins servaient peut-être plutôt comme banc d'essai pour la version simple à embrayage et vitesse unique de son moyeu, qui permet l'utilisation d'une chaîne au lieu d'une courroie, car le glissement qui se produit entre les parties mâle et femelle de l'embrayage à cône amortit les à-coups du moteur.
 
moyen de transmission, breveté par Gaston Rivierre 1904. Dessin
Le moyeu à embrayage et vitesse unique (ci-contre), qui fait partie du brevet français du moyeu Rivierre à deux vitesses, a été l'objet d'un brevet séparé à l'étranger, comme le montre le brevet autrichien  (Österreichische Patentschrift Nr. 25753), déposé le 3 novembre 1904. Le texte allemand est une traduction de la première partie du brevet français, mais l'accent n'est pas mis sur la fonction comme embrayage/ débrayage. Selon le texte allemand, l'invention porte sur un moyen de transmission pour bicyclettes à moteur qui permet de propulser l'engin uniquement à l'aide des pédales et de démarrer aussi le moteur au moyen des pédales. Nous ne savons pas, si Rivierre a commercialisé cette version simplifiée de son moyeu.


Le Moyeu Rivierre
pour Moto-tricycles et Motocyclettes
 186, boulevard Pereire, Paris

 publicité de 1904: Moyeu rivierre pour moto-tricycles et Motocyclettes

Pendant 10 mois en 1903 et 1904, Rivierre invente et perfectionne le moyeu qui a créé sa réputation comme constructeur. Il s'agit d'un changement de vitesse très compact, à deux rapports et embrayage à cône, qui est logé entièrement dans le moyeu de la roue arrière. Le moyeu Rivierre sera présenté au Salon 1904. 
 

Cette même année, Rivierre se met en contact avec Albert Jean et Édouard Cheilus (Austral), qui sont disposés à doter du moins un modèle de leurs tricars avec son moyeu. Afin de faire preuve des qualités de son changement, Rivierre participe en été au Tour de France cycliste en tant que contrôleur sur un tricar A. Jean muni de son invention. Mais seul un futur tricar Austral modèle B à pédales doit être équipé du moyeu Rivierre, tandis qu'un futur modèle A sans pédales recevra un changement épicycloïdal Bozier. C'était peut-être l'étroite relation entre Cheilus & Cie /Austral et Gustave Bozier ou une meilleure offerte de la part de Camille Contal qui a mené à une rupture entre Rivierre et Austral. En tout cas, Austral n'utilisera pas le moyeu Rivierre. Celui-ci sera breveté le 29 octobre 1904 (brevet Nº FR347535A).
Avant que le futur tricar Contal soit prêt, une moto et un tricar de marque "Moyeu Rivierre" (I et II) participent en février 1905 au Concours de Tourisme du Club Automobile Seine et Oise sur 1400 kilomètres. Apparemment, Rivierre voulait se rassurer une fois de plus de la résistance de son moyeu. À cette fin, il préparait même un tricar pour démontrer que son changement de vitesse est d'une robustesse plus que suffisante pour supporter le poids élevé d'un tel engin.

Le 28 avril 1905 a lieu la formation de la Société anonyme dite Le Moyeu "G. Rivierre", sise 40, avenue de la Grande Armée. La duration de la société est limitée à cinq ans, le capital est de 32 500 francs. Cette même année, Rivierre devient intéressé (partenaire non actif) dans l'entreprise Mototri Contal qui vient de se former.
À partir de septembre, Rivierre se lance pleinement dans la compétition au guidon d'un tricar Contal muni de son moyeu qui est adapté spécialement au Mototri. La première apparition du Mototri a lieu lors du Concours des Tricars qui se déroule sur le parcours Saint-Germain-en-Laye – Mantes le 10 septembre 1905.
 
Rivierre sur mototri Contal, Concours des tricars 1905
 Gaston Rivierre sur son Mototri Contal lors du Concours des Tricars. 

Afin de contourner le règlement qui ne permet que la participation de trois tricars d'une même marque, Austral et Bozier, qui veut promouvoir la vente de son changement de vitesse, font en outre inscrire trois tricars Bozier "licence Austral". Contal fait la même chose avec un tricar "Domptet" qui est identique au mototri Contal.
 
 Domptet junior sur tricar Domptet (=Contal), Concours des tricars 1905
Le pilote automobile Pierre-Joseph Domptet, appelé "Domptet junior" sur tricar Domptet (Contal).
 
Les deux tricars Bozier/Austral menés par Schweitzer et Giraud remportent l'épreuve devant Rivierre et son Contal, mais il gagne les courses de côte de Château-Thierry (30 septembre 1905) et de Gaillon (15 octobre 1905) avec le même tricar, mais préparé par ses soins pour une course de vitesse (voir annexe chapitre Contal).
Un autre client de Rivierre est la marque Chanon, dont le nouveau tricar 4 HP est présenté au Salon 1905 équipé du moyeu Rivierre.
   
Rivierre sur mototri Contal à Château-Thierry le 30/9/1905 et à Gaillon le 15/10/1905
               Rivierre à Château-Thierry le 30 septembre 1905                   Rivierre à Gaillon le 15 octobre 1905

En décembre 1905, Rivierre fait un Tour de France pour tester le nouveau moyeu et promouvoir le tricar Contal qui sera présenté au Salon 1905 quelques jours après le retour de Rivierre. La publicité pour le Mototri Contal favorise Rivierre sans doute en tant qu'intéressé de l'entreprise de Contal, mais ses nombreuses participations dans des épreuves sportives ont aussi pour but de promouvoir le moyeu Rivierre.
 
1905 publicité moyeu Rivierre
 
Par la suite, ce sera Gaston Rivierre qui deviendra l'ambassadeur de la marque Mototri Contal.
 
Rivierre et Foucault sur tricar Contal, Tour de France automobile 1906
Rivierre et son passager Octave Foucault lors du Tour de France 1906. Notez que l'allumage est confié à une magnéto qui est entraînée par le grand pignon du réducteur. Le couvercle du réducteur est venu de fonte avec une extension qui protège le pignon de la magnéto.
 
Cette situation ne change pas avec la prise de contrôle de la marque Contal par Gaston Hamelin (septembre 1908), qui la transfère fin 1910 ou début 1911 à Gaston Rivierre (voir le chapitre "Contal").
 
Outre ses activités sportives, Rivierre continue d'exercer son activité d'inventeur et fait breveter, le 20 février 1907, un "mécanisme de changement progressif par manivelle à rayon fixe et quadrilatère articulé (Nº FR374.868). Il s'agit d'un changement progressif pour automobiles ou bicyclettes, lequel varie depuis une vitesse zéro jusqu'à une vitesse maximale choisie.
 
changement progressif par manivelle... brevet Rivierre 1907, dessin
 

Il perfectionnera ce changement en 1909 (Nº 399.506) et en 1910 (Nº 12.181).  


Le 2 mars 1907, Rivierre demande une fois de plus un brevet pour un changement de vitesse pour véhicules à moteur (Nº 375.296). Il s'agit également d'un changement progressif variant d'une vitesse zéro jusqu'à la vitesse maximale du moteur, avec le changement en prise directe. L'appareil est muni de plateaux de friction et peut être réalisé sous forme d'un train épicycloïdal (Fig. 1), d'un train différentiel (Fig. 2) ou d'un autre genre de différentiel (Fig. 3). À la différence du moyeu Rivierre, ce changement de vitesse est monté sur l'arbre moteur.

 
 changement progressif... brevet Rivierre mars 1907. Dessin
 
Le 6 juin 1908 est dissoute la société anonyme Le Moyeu G. Rivierre, mais la fabrication et commercialisation du moyeu Rivierre continuent. La fabrication se poursuit dans un nouveau magasin-atelier au 31, rue de Chatou, à Colombes.
 
 Rivierre et sa femme sur tricar Contal en 1913
Rivierre et madame, née Marguerite Rezette, sur mototri Contal en 1913.
 
La décision courageuse de Gaston Rivierre de reprendre la maison Mototri Contal fin 1910 ou début 1911, à un moment où le tricar était déjà en net déclin, s'inscrit probablement dans la logique de sauver la marque qui était l'un des principaux clients de son moyeu. Il lança probablement deux nouveaux modèles, les types E et G, les deux à moteurs de 5/6 CV et allumage par magnéto. Le type G était en plus muni d'une suspension arrière. Mais malgré tout, Rivierre fit faillite en mars 1914.
Après 1914 jusqu'à sa mort en 1942, Rivierre continue dans les anciens locaux de la maison Contal au 68, rue de Villiers à Levallois-Perret, où il ouvre un garage Ford et vend aussi quelques tricars Contal durant les années vingt.  
 
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Annotation 
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Léonce Aimable Victor Girardot, ingénieur, est né à Paris le 30 avril 1864 comme fils du marchand de bois des Îles Victor Eugène Girardot et de sa femme Josephine Marie Philomène Coupin. Il était marié avec Fanny Jeanne Levasseur, une fille de Pierre Émile Levasseur (1828-1911) un historien, économiste, statisticien et géographe français. Girardot est décédé à Levallois-Perret le 8 septembre 1922.

Léonce Girardot et sa femme, 1898
Girardot et madame, née Fanny Levasseur, lors du Rallye-Paper en décembre 1898

 


 
Chapitre créé le 12 octobre 2019
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