Au Coin du Tricar

Typologie des tricars

 
1. Tricar à avant-train amovible et à "châssis-tricar"
 
Vers 1900, on commençait sporadiquement à équiper des bicyclettes à moteur d'un avant-train (voir p. ex. la "voiturette" Mallen ou le tricar Pernoo), malgré le manque de puissance de l'ensemble et la fragilité du cadre de la bicyclette.
 
 La "bicyclette-voiturette" de The Lion Company (London) de 1901, un tricar à avant-train amovible construit sur  la base de
la motocyclette à gauche. Entre le moteur et le tube de selle se trouve un carburateur à barbotage. 

De ce fait est né le tricar à avant-train amovible, qui est une motocyclette dont on a remplacé la roue et souvent aussi la fourche avant par un avant-train. Ce tricar possède donc un cadre de moto complet avec tube oblique. Un tel tricar peut, le cas échéant, être retransformé en moto. En général, cette transformation n'était apparemment pas courante. Au vu de la différence de 200 francs environ entre une moto et une moto à avant-train dans les catalogues des fabricants, on peut conclure que le client achetait un tricar monté, et non une moto entière plus un avant-train, qui pouvait coûter quelque 450—550 francs, pour la transformer occasionnellement en tricar. Beaucoup plus fréquent était l'inverse, à savoir que le propriétaire d'une moto voulait la transformer en tricar au moyen d'un avant-train adaptable à un modèle quiconque.
 
 Deux avant-trains adaptables à une moto quiconque. Ici, la fourche de la moto est conservée.
Notez que la fourche est retournée sur l'avant-train à droite.

Jusqu'en 1905, à quelques exceptions près, l'avant-train amovible ne fut fixé que sur la partie avant de la moto (douille de direction et tube oblique). Il va de soi que l'adaption a posteriori d'un tel avant-train n'était qu'une solution de compromis dont les inconvénients sont évidents : surtout la partie antérieure du cadre de la moto doit supporter des forces additionnelles pour lesquelles le cadre n'a pas été construit. De plus, la mécanique n'est pas adaptée aux exigences d'un véhicule dont le poids a quasiment doublé.
 

Motocyclette et tricar Bruneau "de montagne" avec culasse à eau (refroidissement mixte). 
 
Pour éviter des soucis mécaniques, la meilleure solution était de choisir comme base une moto conçue pour des régions montagneuses (ci-dessus), équipée d'un moteur refroidi à eau, d'un changement de vitesse ayant un rapport de transmission plus court et d'une transmission finale par chaîne. 

Après 1905, l'avant-train fut doté de quatre haubans et de deux longerons horizontaux que l'on fixait à la fourche arrière du cadre, comme sur les tricars à avant-train fixe contemporains. Le résultat en était un "châssis-tricar" dans lequel le cadre d'une moto est "raccroché" et fixé au moyen des haubans.
 

Châssis-tricar (en noir) Lurquin-Coudert vendu en kit pour transformer une moto quiconque en tricar.
 
Les images ci-dessus montrent, à titre d'exemple, la fixation du châssis-tricar au cadre.

Une telle construction atteint une résistance qui est presque comparable à celle d'un tricar à part entière. Elle offre l'énorme avantage aux constructeurs de motocyclettes de pouvoir transformer aussi les motos plus puissantes au choix du client en tricar sans crainte de ruptures du cadre. Côté mécanique, il fallait pourtant équiper la moto ainsi transformée d'un changement de vitesse et d'un système de refroidissement à eau pour que cet engin soit à la hauteur d'un véritable tricar. On a parfois éludé l'implantation d'un système de refroidissement à eau en montant un bicylindre à ailettes qui chauffe moins qu'un monocylindre ayant la même puissance. Un autre atout meilleur du bicylindre est le fait qu'il est plus coupleux et permet d'accélérer plus rapide à basse vitesse, ce qui rend plus facile de renoncer à une boîte de vitesses. Un parfait exemple d'une telle configuration est le tricar Lurquin-Coudert 7 HP modèle 1910. Pour compenser la température élevée de fonctionnement du grand bicylindre (804 cm³) privé d'un réducteur, on a installé un ventilateur entraîné par l'arbre moteur.
 
 Tricar Lurquin-Coudert 1910 à châssis-tricar allongé. La moto de base, dont le cadre fut conservé sans modification visible,
est le type "course" de 7 HP dont la mécanique fut également reprise.

 
2. Tricar à avant-train fixe
 
Un tricar à avant-train fixe est un tricar à part entière ("vrai" ou "véritable" tricar), dont l'avant-train et la partie arrière, qui est semblable à une moto, forment une unité constructive que l'on peut appeler châssis-cadre : le "squelette" d'un véritable tricar est composé d'un châssis dans le plan horizontal et d'un cadre (de moto) dans le plan vertical. Le tube oblique caractéristique du cadre d'une moto est absent et le tube de direction est en général assez long. Un "vrai" tricar possède aussi une mécanique adéquate qui emprunte des solutions techniques typiques encore de la voiture, comme le refroidissement à eau, le changement de vitesse avec embrayage à cône et une transmission par chaîne.
 
 
Châssis-cadre du tricar Austral type A. Le rectangle de l'avant-train est fixé sur la poutre centrale. 
 
Sur les premiers tricars (jusqu'à 1906 environ), le châssis se limite souvent au rectangle de l'avant-train. Celui-ci peut être relié à une épine dorsale qui porte le cadre, comme sur le châssis "mono-poutre" des premières tricars Austral (types A et B), ou être solidaire à la partie antérieure du cadre, comme dans le cas du mototri Contal type A.
 
Châssis-cadre du tricar Contal type A. Le rectangle de l'avant-train n'est fixé que sur le tube de direction. 
 
Cette unité est indissoluble dans le sens, que, même si l'avant-train soit démontable (p. ex. Austral types A et B), la partie arrière ne peut être transformée en moto sans modification du cadre.
 
Après 1905/1906, le châssis plan est en général pleinement évolué. Le rectangle de l'avant-train est relié aussi à la fourche arrière du cadre par deux tubes latéraux, ce qui confère à l'ensemble une grande rigidité (ci-dessous).
 
 Châssis-cadre d'un tricar Fafnir.

On voit bien les tubes latéraux dont les extrémités sont reliées à la fourche arrière de manière fixe. Ce type de tricar ressemble à s'y méprendre à une moto transformée en tricar au moyen d'un châssis-tricar. Bien que le châssis avec ses haubans soit identique, le cadre, qu'il faut souvent adapter à la direction et à la longueur du châssis, devient celui d'un tricar et cesse d'être celui d'une moto. Nous désignerons donc sur ce site un tel cadre, qui reçoit parfois aussi un réservoir d'eau comme sur le tricar Werner, par le terme cadre de moto adapté.
Les frères Werner, en 1904/1905, étaient les pionniers en France à utiliser ce mode de construction qui deviendra le standard, à côté des châssis-cadres sui generis des tricars Austral ou Contal.  
 
 Werner tricar et motocyclette
Le cadre du tricar Werner présenté au Salon Automobile 1905 diffère assez de celui de la moto Werner (1905).
Sur ce tricar, le tube oblique du cadre et encore conservé.

Un autre exemple de ce type est le tricar à moteur Buchet ci-dessous, dont le châssis est un châssis-tricar boulonné à un cadre de moto. Cet engin, dont le châssis-tricar est facilement amovible en desserant la fixation, montre qu'il est parfois difficile de faire la distinction entre une moto transformée en tricar et un tricar à part entière avec châssis-tricar. Avec l'apparition des tricars pleinement évolués, cette distinction perd même son sens, car seulement un mécanicien expérimenté était capable de transformer une moto en un tel tricar et vice-versa, le tricar en une moto. Elle est au mieux d'un certain intérêt théorique pour clarifier la genèse d'un tricar d'une certaine marque en le comparant avec la moto correspondante de la même marque.
 

En ce qui concerne le tricar à moteur Buchet, il suffit de déterminer qu'il est né sans doute en tant que tricar et non en tant que moto. Cela est étayé non seulement par le bicylindre refroidi à eau et muni d'un réducteur Bozier (sur le côté droit), qui est trop encombrant et lourd pour une moto. De plus, le cadre est allongé pour créer de l'espace pour un réservoir à eau, le tube de direction est également allongé et paraît être trop incliné pour la fourche d'une moto.
 Nous sommes donc en présence d'un cadre de moto adapté. Indépendamment de la construction du châssis et du cadre est-il aussi l'implantation d'une mécanique prise des voitures automobiles qui caractérise un véritable tricar.  

À la catégorie des tricars à avant-train fixe appartiennent aussi les tricars et triporteurs à avant-train pivotant sur lesquels la douille de direction est solidaire du châssis, c'est-à-dire solidaire de la poutre centrale. L'avant-train est relié à la douille de direction par la cheville ouvrière qui est à son tour solidaire de l'essieu. Ce dernier est facilement démontable, mais la partie arrière n'est pas transformable en motocyclette.
 
Tricar La Française-Diamant à avant-train pivotant (1901). La flèche indique la douille de direction qui est solidaire du cadre et
dans laquelle pivote la cheville ouvrière qui est à son tour solidaire de l'essieu.

3. Tri-voiturette

Le Salon de Paris 1906 voit l'irruption en France de la tri-voiturette, un type de tricar qui est apparu en Angleterre vers 1904. La tri-voiturette se distingue par un châssis en tubes ou en tôle d'acier emboutie portant une carrosserie au lieu d'un cadre de moto. L'avant-train forme partie intégrante du châssis. La direction est à volant. Afin de distinguer le tricar ordinaire de la tri-voiturette, nous parlerons donc souvent d'un "tricar à cadre" (c'est aussi l'usage linguistique de l'époque).


  Tri-voiturette Austral type G                                          Tri-voiturette Rochet-Bruneau

La différenciation entre tricar et tri-voiturette n'est pas toujours nette, parce que le tricar emprunte parfois des éléments typiques de la voiturette.
 
À gauche : tricar Contal type B. Le châssis en tôle emboutie et le grand levier du changement de vitesse placé à droite sur le cadre sont typiques d'une voiturette. À droite : Tricar "à cardan" Austral. Le moteur est enfermé sous un capot qui est ouvert sur le dessin pour laisser la mécanique à la vue. Ce tricar possède également un grand levier de vitesse au côté droit du chauffeur ainsi qu'un long levier de frein.

La reprise d'éléments de voiturette peut être insignifiante comme dans le cas du tricar Contal type B qui possède un châssis en tôle emboutie et un long levier de changement de vitesse de voiturette (ci-dessus, à gauche). Beaucoup plus inspirés d'une voiturette sont les tricars à cadre qui possèdent une carrosserie rudimentaire (ci-dessus, à droite) et même un volant au lieu d'un guidon (ci-dessous, à gauche).
 
                 Version triporteur du tricar N.S.U 1904                                                     Tricar Lurquin-Coudert 1907

Sur le tricar Lurquin-Coudert (ci-dessus, à droite), seulement le tube de selle reste d'un cadre de moto. Une carrosserie est absente.
 
Définitions

TRICAR — "Véhicule comportant trois roues (une motrice à l'arrière, deux directrices) et deux places situées soit l'une derrière l'autre, soit côte à côte. Le poids total à vide de ce véhicule varie entre 80 et 200 kilogrammes" (Baudry de Saunier, 1907).
"Tricar" est le terme générique englobant aussi les tri-voiturettes.
 
Autofauteuil, Tour de France 1906, pilote MIllet
Cet Auto-fauteuil à deux places côte à côte est un tricar (ou une tri-voiturette) conforme à la définition. 
Il fut pilotépar Millet lors du Tour de France automobile en 1906.

Le règlement du Concours des tricars organisé par L'Auto en septembre 1905, lequel a servi de modèle pour d'autres épreuves de régularité  similaires, prévit les exigences suivantes :
les deux places du tricar doivent être occupées, le poids total à vide étant compris entre 80 et 200 kilogrammes, la capacité du cylindre du moteur ne devant pas excéder 500 centimètres cubes. 
Dans les épreuves de vitesse, les tricars de plus de 500 cm³ couraient en catégorie Motocycles de 50—250 kilogrammes sans restriction de cylindrée.

MOTOCYCLE  — "Instrument cycliste, à deux, trois ou quatre roues, qui est actionné par un moteur. Un motocycle peut être mis en marche soit au moyen de pédales, soit au moyen d'une manivelle ; il comporte ordinairement deux places, quelquefois une seule, ou trois. — Quelques personnes voient dans le tricycle à moteur le type du motocycle " (Baudry de Saunier, 1906/1907).

VOITURETTE — "Au point de vue de leur classification en course, sous le règlement des Automobile-Clubs de France et de l'étranger, une voiturette est un engin dont le poids à vide ne dépasse pas 400 kilogrammes. À vide s'entend : sans eau, huile, essence, ni accus. Les moteurs ayant un allumage par magnéto ont une tolérance de poids de 6 kilogrammes. Au point de vue pratique, une voiturette est une petite voiture très légère et très simple (moteur à un cylindre), à deux places côte à côte et une troisième occasionnelle offerte par un spider. La voiturette est un véhicule d'utilité ou d'agrément, mais non de sport. On ne doit pas lui demander plus de 25—40 kilomètres à l'heure et surtout de transporter un poids pour lequel elle n'est pas établie (Baudry de Saunier 1906/1907).

 

 

Chapitre créé le 25 mai 2019

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