Au Coin du Tricar

Tricars allemands


Introduction

Les tricars allemands à roue arrière motrice sont largement méconnus, même dans leur pays d'origine. Ce genre de véhicule n'était jamais aussi populaire en Allemagne comme en Angleterre ou en France. Seuls les tri-cars de livraison étaient relativement répandus, mais eux aussi étaient éclipsés par les triporteurs à roue unique à l'avant et deux roues à l'arrière.
Outre-Rhin, le tricar appartenait à la catégorie des "véhicules combinés", dont la base était une motocyclette dotée au choix d'un avant-train ("Vorsteckwagen") ou d'un side-car ("Seitenwagen") à une ou à deux roues (les dénominations "Vorsteckwagen" et "Seitenwagen" sont analogues aux désignations anglaises "forecar" et "sidecar").
 
 
Selon les ingénieurs, l'avant-train était préférable au side-car à cause de la direction plus sure, mais aussi en raison de la charge plus uniforme qui subit le cadre d'un tricar par rapport au cadre d'une moto attélée. La fixation du side-car d'un côté entrenaît souvent des déformations voire des ruptures du cadre de la moto.
Pour atteindre une plus grande stabilité de l'attelage, on ajoutait parfois une deuxième roue au side-car. Sur l'exemple ci-dessous, fabriqué par Alfred Behr (Köthen / Anhalt) en 1905, le moteur est relie par un arbre au changement de vitesse qui est logé sous le siege avant du side-car. La roue arrière de celui-ci est entraînée par une courroie de 5 cm de large. La mise en marche du moteur s'effectue par une manivelle via le changement de vitesse.
 
 
Un autre exemple de ce type est le moto avec side-car de la société Roeder & Cie. datant également de 1905. La particularité de cet appareil réside dans le fait que la roue avant du side-car est dirigible, liée à celle de la moto.
 
 
Les side-cars à deux roues offraient une plus grande sécurité contre le basculement et le dérapage. En théorie, le risque de basculement d'un side-car à roue unique était plus grand à l'époque car la roue du side était alors alignée avec la roue arrière de la moto au lieu d'être avancé par rapport à celle-ci (précession). Pour un attelage cependant qui ne dépasse pas une vitesse de 40 – 50 km/h cela ne pose pas de problème. 

Face aux side-cars parfois très perfectionnés d'une part et aux voiturettes à roue avant unique d'autre part, le tricar n'a pas su s'imposer en Allemagne. Sur le plan technique, on a l'impression que les tricars allemands n'étaient pas aussi sophistiqués que leurs frères anglais ou français du même millésime. C'était encore différent en 1904, quand le journal "La Presse" (7/2/1905) remarque lors du Salon de Berlin que "l'industrie de la motocyclette y (en Allemagne) est bien plus développée qu'en France" et que notamment "les tricars, dont nous connaissons seulement quelques modèles, sont très au point". En Allemagne, le tricar évolue en général parallèlement à la moto, tandis que les tricars anglais et français évoluent plus vite que la moto, puisqu'ils empruntent des solutions techniques réservées à l'époque à l'automobile (refroidissement à l'eau, boîte de vitesses, transmission par chaîne). La raison en est le fait déjà mentionné que les fabricants allemands préféraient de doter leurs motos d'un side-car ou d'un avant-train comme accessoire, sans adapter la mécanique aux exigences d'un véhicule plus lourd et plus lent. L'avant-train fixe se généralise à partir de 1904/1905 sur les triporteurs, dont le châssis subit une charge plus élevée. La transmission par chaîne gagne du terrain en 1907, mais beaucoup de tricars ont toujours une transmission par courroie. L'embrayage à friction ne se généralise qu'en 1905. Le moteur porte souvent un pignon réducteur, mais la présence d'un changement de vitesse est encore rare avant 1906. Alors qu'ailleurs le refroidissement par l'eau est depuis longtemps devenu standard sur presque tous les tricars, le refroidissement à l'air règne en maître en Allemagne. La disposition du moteur à ailettes derrière la caisse ou le fauteuil du passager exige l'utilisation d'un ventilateur, solution qu'en France seules Austral et Lurquin-Coudert ont utilisée sur un tricar. Il n'y a pas de suspension arrière non plus. Ce n'est donc pas étonnant que l'évolution du tricar vers une tri-voiturette plus luxueuse, que l'on peut constater à partir de 1904 en Angleterre et en France (1906/7), ne semble guère avoir eu lieu en Allemagne (exception : Securus).
 

Une exception à plusieurs égards constitue ce tricar N.S.U. 4 CV de 1904 qui est équipé d'une direction à volant, un trait typique d'une voiturette, mais qui conserve néanmoins un cadre de moto. En outre, ce tricar est muni d'un refroidissement à l'eau, mais l'énorme radiateur est encore placé au-dessus de la roue d'arrière. Également remarquable est la présence d'un changement de vitesse épicycloïdal Bozier made in France.  

La simplicité de la plupart des tricars allemands contraste néanmoins avec l'implantation des solutions avancées comme l'allumage par magnéto, l'utilisation des moteurs à soupape d'admission commandée (semi-culbutés ou latérales) et le montage des freins aussi sur les roues d'avant. En ce qui concerne l'avant-train, celui-ci est toujours aussi muni de longues barres latérales fixées sur la fourche arrière de la moto ("châssis tricar"). Celles-ci forment un sous-châssis donnant une grande stabilité au tricar, laquelle équivaut presqu'à celle d'un tricar à avant-train fixe.


Après 1907/1908 environ, les voiturettes à roue avant unique prennent définitivement le dessus. On les jugeait plus pratiques et plus sures. Elles ne dérapent pas facilement et le passager, assis au côté ou en arrière du conducteur, est mieux protégé en cas d'une collision frontale. La disposition de la caisse d'un triporteur en arrière du conducteur permet d'en choisir la hauteur sans tenir compte de la visibilité de celui-ci. On outre, ce dessin répond mieux à la nette préférence allemande pour le refroidissement à l'air, qui est plus simple, plus léger, moins cher et moins sujet aux défaillances que le refroidissement à l'eau et qui en plus ne requiert pas de maintenance. Situé presque toujours au-dessus de la roue avant, le moteur est parfaitement exposé au vent et n'a pas besoin d'un ventilateur dont l'entraînement se fait aux dépens de la puissance du moteur. Toujours amélioré, le triporteur à roue avant unique perdure en Allemagne jusqu'aux années 1950.

 
 

 

Chapitre créé le 26 novembre 2018 
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