Pernoo
Société Industrielle et Commerciale de Fabricants de Cycles Pernoo
10, Cité Trévise, Paris (IXème)
et
Ernest Pernoo
Cycles et automobiles
47 bis, route de Versailles, Boulogne-sur-Seine
Sur son blog Z'humeurs & Rumeurs, Jean Bourdache a consacré un article à cette moto unique et à ses créateurs Ernest Pernoo et les frères Hippolyte et Eugène Labitte. (Lire l'article). Grâce à ce travail essentiel, nous pouvons contribuer quelques informations généalogiques et biographiques sur les créateurs de la motocyclette Pernoo.
La motobicyclette Pernoo en 1899.
Ernest-Léon Pernoo est né le 1er février 1862 à Paris comme fils du carrossier Nicolas-Joseph Pernoo et de son épouse Hermanie Angelina Blaugie. En 1890, Pernoo fut engagé comme employé d'assurances, et plus tard, en 1897, on le retrouve en tant que directeur de la maison Lucien Charmet, concessionnaire de Rudge (cycles, automobiles) et Rambler (cycles et motos). Vers 1898, Pernoo fonda une société éphémère portant le nom à rallonge "Société Industrielle et Commerciale de Fabricants de Cycles", S.I.C.F.C., dont il était le directeur.
Seul produit connu de la S.I.C.F. de Cycles Pernoo est cette motobicyclette, dont le moteur est marquée "H. Labitte".
Les frères Labitte
Le sigle sur le moteur fait référence au mécanicien et constructeur-inventeur Hippolyte-Fleury Labitte, né à Lillers, Le Bourg-d'Aval (Pas-de-Calais) le 5 janvier 1869 comme deuxième des neuf enfants du cordonnier Désiré Joseph Labitte et de sa femme Stéphanie Edmont. (Voir l'arbre généalogique des frères Labitte).
Cependant, Hippolyte n'a pas conçu le moteur seul: son frère Eugène-Jean-Louis Labitte, l'aîné de la fratrie, né à Lillers le 17 mars 1867, avait déjà breveté un "Moteur à Pétrole" en 1898 (brevet nº 274.288, 22 janv. 1898) dont le carter était monobloc avec le cylindre à culasse détachable.
Hippolyte a surtout breveté le nouveau mode de fixation du moteur. ("Nouveau mode de montage du moteur dans les bicyclettes automobiles" FR284.466, 28 déc 1898). Ce montage caractérisait non seulement la motobicyclette et le tricar Pernoo, mais aussi la voiturette Marmuse, dont la traction avant est de facto une roue arrière Pernoo avec le moteur Labitte.
La voiturette Marmuse, munie du moteur Labitte (1900).
Eugène Labitte avait déjà conçu deux ans auparavant une chaudière à vapeur légère et compacte avec une grande surface de chauffe pour chauffer rapidement la vapeur des vélocipèdes à vapeur. ( "A boiler for a steam driven velocipede or like vehicle" GB13.372, 17 juin 1896). Au Salon du Cycle en 1895 le visiteurs pouvaient admirer dans le stand de Maxime Dalifol une bicyclette et un quadricycle à vapeur marqués "Volta" qui étaient construits d'après les données du brevet d'Eugène. En été 1896, la maison Georges Richard a acquis ledit brevet pour la construction des voitures automobiles (Le Figaro 2 juillet 1896).
Motocyclette à Vapeur "Volta", construite par Charles Maxime Dalifol
(*Paris 1/5/1861 +Tours 17/10/1931, fils d'Alfred René Dalifol et de Jenny Amélie, née Arnaux).
La chaudière de vaporisation rapide est placée au centre du cadre et sert aussi de reposepieds remplaçant les pédales. Elle se chauffe au pétrole ou bien au coke et elle n'a pas de réservoir de vapeur, de même que celles du type Serpollet. Le réservoir, qui contient l'eau que le conducteur doit amener à la chaudière au moyen d'une pompe manuelle, fait à la fois fonction de garde-boue. Le moteur monocylindre permet à la moto de rouler à une vitesse d'environ 45 km/h. La transmission sous carter en tôle est directe. Apparemment, la bielle assez longue attaque le tourillon d'un petit volant (ou manivelle) solidaire de l'axe de la roue.
Hippolyte-Fleury Labitte exploitait en outre un magasin-atelier au 26, rue de Ménilmontant à Paris ou il commercialisait sous la marque "L'Incassable" des bougies d'allumage à isolement en porcelaine (ci-contre), qu'il avait breveté en 1900 ("Système de bougie pour l'allumage électrique des moteurs à petrole et à gaz" FR306.133, 10 déc 1900). Ces bougies furent vendues aussi aux Pays-Bas par M. W. Aertnijs à Nijmegen.
De son côté, Eugène a également conçu une bougie d'allumage deux ans plus tard ("Bougie d'allumage pour moteurs" FR323.863, 9 juin 1902).
Avant de s'occuper des moteurs à pétrole, les frères Labitte avaient déjà déposé d'autres brevets: au début, ils s'étaient aussi occupés de la production d'acétylène. C'est ce qu'indiquent deux brevets pour lesquels nous ignorons le prénom de l'inventeur. Cependant, l'adresse, Paris, rue Doudeauville nº 98, montre qu'il s'agit des frères connus dans notre contexte. ("Fabrication du gaz acétylène" FR 262.278, 17 déc 1896, et "Appareil servant à l'éclairage des lampes et lanternes au gaz acétylène" FR271.176, 11 oct 1897.)
Parmi les inventions postérieures des deux frères aînés, on peut citer:
Labitte Eugène, "Pompe alterno-rotative pour liquides" FR385.470, 13 mai 1908
Labitte Hippolyte, "Rayons de roues" FR434.564, 29 nov 1910.
En outre, Hippolyte a conçu un carburateur dont nous ne connaissons pas le brevet, mais que nous voyons sur une annonce (ci-contre).
Nous ne savons pas grand chose des frères cadets d'Eugène et d'Hippolyte: ils étaient également mécaniciens. Édouard Labitte, né le 8 octobre 1878 à Lillers, donc une décennie plus jeune que ses frères aînés, a signé un brevet conjointement avec Eugène ("Roue élastique à l'usage de tout véhicule" FR355336, 28 oct 1905).
Georges Labitte, le plus jeune des frères (*31 octobre 1881 Lillers, +23 juillet 1953 Levallois-Perret) était le seul à conduire les motos Pernoo en course.
La consécration de la Pernoo, jusqu'alors complètement inconnue, fut la victoire de Georges Labitte lors du Critérium des Motocyclettes sur le parcours Étampes – Chartres (100 km), la toute première course réservée exclusivement aux deux-roues, en juillet 1899. Le frère cadet d'Hippolyte et d'Eugène a gagné la course en 2 heures et 17 minutes (ou 2 h. 38 m. 46 s., selon une liste de records).
La Locomotion Automobile (13 juillet 1899) et d'autres magazines donnent le nom du pilote de la Pernoo comme "G. Labitte".
Georges Labitte sur Werner, septembre 1902. (Voir aussi le chapitre Werner II)
Selon Auto-Vélo (25/6/1902), le pilote qui participait à la course Paris — Vienne avec une Werner fut Georges Labitte, ci-contre, qui était également mécanicien à Paris. En Septembre 1902 - il a déjà 20 ans - il remporte la catégorie motocyclettes à Salon en 1h50m et se classe deuxième dans la course du Ventoux.
Il est donc tout à fait évident que le conducteur de la Pernoo est Georges Labitte.
Après la victoire de Georges Labitte au Critérium des Motocyclettes en 1899, la Pernoo s'est apparemment bien vendue, puisqu'on trouve au moins dix annonces de vente d'une Pernoo usagée entre 1900 et 1902 dans la Révue Mensuelle du Touring-Club, et beaucoup de vendeurs habitent hors de Paris (Troyes, Chartres, etc.). Mais ces annonces peuvent aussi indiquer que l'on cherchait vite à se débarrasser de sa Pernoo.
La motobicyclette Pernoo
Sur le carter du dessin à droite on voit le perçage pour un conduit d'huile ou pour le graisseur "goutte à goutte" de la photo à gauche.
Le moteur "système H. Labitte" possède un carter en aluminium qui s'ouvre dans le plan de joint vertical. Les deux semi-carters son marqués H. Labitte BTE S.G.D.G. Le cylindre, qui est venu de fonte avec les ailettes horizontales, est boulonné sur le carter par 4 écrous. La culasse avec boîte à soupapes est rapportée et vissée sur le cylindre. La pipe de la soupape d'admission automatique est reliée par une longue tubulure au carburateur à vaporisation, lequel sert à la fois comme réservoir d'essence. Celui-ci est placé entre le tube de selle et la roue arrière. La capacité du réservoir est de 2,5 litres d'essence, ce qui donne à la moto une autonomie de 100 kilomètres.
Inscriptions sur la photo:
Ligne d'en-tête: Aкционерное О-во (=общество) Дуксъ Ю. А. Меллеръ - société anonyme Dux, J.A.Meller
En 1912, "Pernoo, de la maison Bozier" (L'Auto 22/3/1912) participe au Tour de France sur une voiture légère de cette marque.
Chapitre créé le 1 janvier 2019