Griffon
Cycles Griffon
40, rue Louis-Blanc, à Courbevoie (Seine) et
22, avenue de la Grande Armée, Paris
(Maison de vente Léon Demeester)
La marque Griffon fut déposée le 2 novembre 1898 par Les Fils de Peugeot frères pour commercialiser les pièces détachées et les pneumatiques fabriqués par Peugeot (ci-dessous). Cycle Griffon avec siège à Paris naît comme une société appartenant à la société Les Fils de Peugeot frères. Vers 1900, Griffon se lance dans la production de vélos, puis, à partir de 1902, aussi dans la fabrication de motocyclettes. Les directeurs à ce moment sont Léon Demeester, plus connu comme pilote de tricycles et motocyclettes, et Grossin. Demeester sera plus tard (1905) agent Griffon pour les départements de la Seine, Seine-et-Oise et Seine-et-Marne.
(courtoisie Didier Mahistre)
Très active en compétition, la marque acquiert vite un palmarès sportif important.
Comme Peugeot, Griffon se tourne vers le motoriste Zürcher & Lüthi et équipe ses machines des moteurs Zedel (Z. L.). Par la suite, l'entreprise devient concessionnaire pour la France et les colonies des moteurs Zedel, fabriqués aux usines de Saint-Aubin (Suisse) jusqu'en 1905, ensuite, de 1905 à 1907 à Pontarlier (Doubs) et enfin, après 1907, uniquement à Pontarlier. (Nous remercions vivement Didier Mahistre pour avoir partagé le document plus haut et pour ses renseignements précieux).
Comme Peugeot, Griffon se tourne vers le motoriste Zürcher & Lüthi et équipe ses machines des moteurs Zedel (Z. L.). Par la suite, l'entreprise devient concessionnaire pour la France et les colonies des moteurs Zedel, fabriqués aux usines de Saint-Aubin (Suisse) jusqu'en 1905, ensuite, de 1905 à 1907 à Pontarlier (Doubs) et enfin, après 1907, uniquement à Pontarlier. (Nous remercions vivement Didier Mahistre pour avoir partagé le document plus haut et pour ses renseignements précieux).
En 1905, au début de la construction de leurs tricars, Cycles Griffon est une société au capital de 5. 000 000 de francs. Les usines à Courbevoie occupent 300 ouvriers, couvrent une superficie de 5.000 mètres carrés et renferment 100 machines-outils. Le directeur est à cette époque A. Mathieu. Pour les millésimes 1906 et 1907, la marque offre hormis un tricar de 4 HP, des motocyclettes mues par des monocylindres de 2 HP ¾ et de 3 HP, ainsi que par des bicylindres de 3 HP ½ et de 5 HP.
Les tricars Griffon
Le tricar griffon à moteur Zedel 4HP, avril 1906
Face à la popularité grandissante du tricar, Griffon se lance aussi dans la construction d'un tel engin durant l'année 1905. Le nouveau tricar de la marque est engagé pour la première fois le 24 février 1906 au Petit Critérium qui se déroule sur le parcours Paris – Évreux – Paris (six jours et 1.124 kilomètres). Mené par le pilote Hector Auguste Bucquet, le Griffon remporte l'épreuve devant le Bruneau de Foulon et l'Austral de Guitard.
Le tricar de Bucquet que nous présentons ici est encore un modèle de présérie. Le type commercial qui fut finalement mis sur le marché, selon les intentions annoncées par le constructeur après le Petit Critérium, ressemblait au modèle 1907. Afin d'éviter des répétitions, on parlera plus en détail de la mécanique dans la section consacrée à ce modèle.
Le châssis-cadre est constitué par des tubes d'acier de 1,5 mm d'épaisseur, le cadre est rendu plus rigide par deux barres J, J' (ci-dessous) qui relient le haut du tube de direction au châssis horizontal. Deux traverses en tubes forment avec les deux longerons un berceau qui porte la mécanique. Le baquet avant est suspendu par deux ressorts à lames placés latéralement. La direction est à essieu brisé et à commande directe ("à sonnette"), au moyen d'un levier de renvoi et d'une barre articulée à rotules, disposée derrière l'essieu avant. Elle est actionnée par un guidon à longues branches ; la poignée de gauche sert à couper l'allumage. Très modernes à l'époque étaient les jantes creuses pour pneus à tringles de 650 x 65 qui équipent ce tricar.
Le moteur Zedel à soupapes latérales développe une puissance d'environ 4 HP à 1300 tours/minute. La cylindrée est de 475 cm³ (82 x 90 mm), le refroidissement est à l'eau qui circule par thermosiphon. Un double radiateur Grimmeisen & Guyot type feuilles de sauge est disposé entre le baquet et la colonne de direction (détail ci-contre). Le côté gauche du moteur porte un changement épicycloïdal Bozier à deux vitesses et embrayage à cône ; la transmission par chaîne se fait directement à la grande couronne de la roue arrière. Les deux rapports donnent 10 km/h en petite et 50 km/h en grande vitesse. La mise en marche du moteur se fait par manivelle.
Hors du commun est le réservoir fixé sous le tube horizontal du cadre. Il est divisé en trois compartiments. À la partie basse se trouvent la bobine d'allumage et les accumulateurs, à l'étage au-dessus sont disposés le réservoir d'huile en avant et celui d'essence à l'arrière. La pompe de graissage est placée sur le côté droit du réservoir.
Le tricar est muni de deux freins qui sont encore du type plus ancien à enroulement. Ils se serrent autour d'un tambour fixé au moyeu de la roue arrière quand on actionne les pédales situées devant les deux marche-pieds qui, eux, sont fixés sur le bâti.
Tricar Griffon, dessin par Walter Thor (1870—1929)
Les changements annoncés pour la grande série sont les suivants : moteur placé moins haut et légèrement reculé pour qu'il trouve sa place au-dessous du réservoir ; radiateur placé dans le cadre, derrière la colonne de direction ; allumage par magnéto ; châssis plus large.
Le tricar Griffon modèle 1907
Le tricar Griffon modèle 1907 tel qu'il fut présenté au Salon de 1906, possède un châssis-cadre fait en gros tubes d'acier sans soudure. Les tubes sont renforcés intérieurement par des fourrures aux points de brasure. Le châssis forme un bâtiment très robuste sur lequel reposent le moteur avec changement de vitesse et le siège avant. La longueur du tricar et d'environ 2,30 m, la voie est de 0,95 m et l'empattement de 1,30 m. La forme du cadre a assez changé par rapport à celui du tricar 1906, car le moteur est disposé plus bas, ce qui a permis de renforcer le cadre par un tube horizontal inférieur. En outre, le tube horizontal supérieur est coudé à l'arrière et prolongé au-delà du tube de selle. La selle est fixée sur la prolongation du tube, en porte-à-faux au-dessus de la roue arrière. Encastré entre les tubes horizontaux se trouve le réservoir d'essence et d'huile. Celui-ci est divisé en trois compartiments dont deux sont disposés à la partie supérieure, le troisième, qui contient les accumulateurs et la bobine d'allumage, est au-dessous. Les compartiments en haut peuvent contenir 8 à 9 litres d'essence et 1,5 litre d'huile, ce qui permet une autonomie de 120 kilomètres environ.
Le tricar est muni du même moteur Zedel à soupapes latérales qui a mû déjà le modèle 1906. La cylindrée est de 475 cm³ (alésage par course 82 x 90 mm), la puissance et de 4 HP environ à 1300 tours/minute. La particularité de ce moteur réside dans un dispositif (brevet du 10 septembre 1904) qui commande à la fois les soupapes et l'allumage. Sur l'arbre moteur est monté un pignon d'angle engrenant avec une roue conique taillée dans une pièce métallique circulaire qui comporte, à sa partie supérieure, deux rampes de profils différents et taillées concentriquement ; l'une commande la soupape d'admission dont elle soulève la queue à l'aide de son bossage, l'autre agit de la même façon sur la soupape d'échappement. La pièce métallique porte en outre sur son centre un arbre qui monte verticalement entre les deux soupapes, traverse la chambre à eau, où un passage et un guidage lui ont été menagés, et vient commander la came de l'allumeur qui est logée dans une boîte d'allumage disposée au-dessus du cylindre (ci-dessus, à gauche ; la photo à droite montre l'allumage par magnéto sur un moteur Zedel refroidi à l'air, l'arbre montant verticalement entre les soupapes ainsi que le couvercle qui protège la magnéto sont absents).
L'avance à l'allumage est commandée par une manette qui manœuvre sur un secteur à crans. Comme déjà mentionné, Griffon annonçait d'équiper le tricar d'un allumage par magnéto. Dans ce cas, l'arbre vertical porte à sa partie supérieure un pignon d'angle qui engrène avec la roue conique de la magnéto (photo plus haut, à droite). Le couple conique est renfermé dans une boîte en tôle pourvue d'un couvercle qui permet de visiter le mécanisme.
Sur le modèle 1907, le refroidisseur contenant 10 litres d'eau est monté derrière la colonne de direction. Le réservoir et le radiateur constituent un cadre, dont les deux montants verticaux sont formés par les blocs du radiateur. C'est toujours un refroidisseur Grimmeisen & Guyot type feuille de sauge, c'est-à-dire les éléments du radiateur sont des tubes aplatis et plus pointus d'un côté, mais plus arrondis de l'autre côté pour donner une surface plus grande et une faible résistance au passage de l'air.
Sur le carter gauche du moteur est monté un changement épicycloïdal Bozier à deux vitesses et embrayage à cône. La chaîne attaque directement la roue arrière, sans pignon réducteur.
Deux manettes et le levier de vitesses sont disposés sur le tube horizontal : l'une commande l'avance à l'allumage, l'autre les gaz.
Sur le moyeu arrière sont montés deux tambours de frein. Les freins à enroulements ont laissé leur place aux freins à segments extensibles modernes qui sont commandés par deux pédales situés à la portée de chacun des pieds du conducteur. L'un des deux freins peut être légèrement serré à la volonté du conducteur ; il n'a qu'à tirer un petit levier monté à baïonnette et agissant par câble sur le frein de droite. Ce petit levier est fixé au tube de selle et permet de serrer constamment l'un des freins dans une longue descente. (Ci-contre : frein à segments extensibles Clément-Gladiator).
La direction est équipée d'un amortisseur est la barre de connexion est à jeu rattrapable automatiquement. Les jantes creuses sont munies de pneus 650 x 60 à tringles.
Une agence Griffon vers 1907.
De ce que nous avons vu au cours de la description du modèle de présérie de 1906 et du modèle 1907, nous pouvons maintenant mieux cerner les deux tricars suivants.
Hector Auguste Bucquet sur tricar Griffon lors du Tour de France, 22 mai — 3 juin 1906
Le tricar Griffon piloté par Bucquet lors du Tour 1906 présente quelques-uns des changements annoncés pour la grande série du modèle 1906, comme la position reculée et plus basse du moteur, qui est disposé maintenant au-dessous du réservoir d'huile. Le refroidisseur se trouve déjà derrière la colonne de direction, fixé sur elle. Mais il n'est pas encore placé en position verticale, éloigné de la direction, de sorte que son réservoir forme une unité cohérente avec le réservoir d'huile, ce qui contribue assez à l'aspect élégant du tricar modèle 1907 (voir photo plus haut).
La disposition générale du tricar piloté par Bucquet lors du Tour de France 1906 montre aussi le survivant ci-dessous, vendu par V.O.C. Yesterdays :
En comparant ce tricar avec le tricar du Tour de France ou avec le tricar modèle 1907 (photo plus haut), on a du mal à croire qu'il est sorti avec un tel cadre des usines Griffon, marque reconnue pour sa fabrication très soignée. Le tube horizontal supérieur est raccourci et bute contre une équerre métallique vissée sur le tube horizontal inférieur, conjointement avec une seconde équerre portant le siège du conducteur. Plus confortable qu'une simple selle de moto, la selle coussin est pourtant déplacée en avant à tel point, que seule une personne assez petite peut aisément conduire ce tricar. Par conséquent, il n'y a plus d'espace pour le réservoir d'essence à l'intérieur du cadre, raison pour laquelle on a placé un réservoir cylindrique derrière le siège arrière, au-dessus du garde-boue, comme on l'avait fait assez souvent au tournant du siècle. À l'intérieur du rectangle entre les tubes horizontaux sont disposés la magnéto sans boîte à tôle protectrice, le réservoir d'huile et celui de l'eau qui fait corps avec les deux radiateurs. Une manette placée au guidon commande par câble sous gaine le lève-soupape agissant sur la soupape d'échappement.
Cependant, il faut se rendre à l'évidence que ce tricar n'est pas simplement bricolé, car ils existent du moins un ou deux survivants en plus qui présentent une disposition identique.
En ce qui concerne l'année de construction, ce tricar n'a pu être construit qu'en 1906 en raison de la position basse et reculée du moteur, de la disposition du refroidisseur derrière la colonne de direction et de son cadre à deux tubes horizontaux ; ce sont là les caractéristiques introduites à partir de 1906. La même date de construction 1906 faut-il attribuer à un autre survivant d'aspect identique, qui fut également vendu par V.O.F Yesterdays.
Voici une vidéo du démarrage du tricar Griffon de 1906 à moteur Zedel 4 hp:
La Tri-voiturette Griffon 1907 – 1911
Dessin datant de 1909, par Jean François Matet (1870 —1936)
Griffon présente au Salon de 1906 également une tri-voiturette à deux places qui se distingue surtout par la disposition du moteur très en arrière, entre le baquet du conducteur et la roue arrière.
La trivoiturette Griffon, carrossée à deux places, 1910.
Le châssis est en tôle d'acier emboutie de 3 mm d'épaisseur. Par rapport au tricar, la voie a été portée à 1,05 m et l'empattement à 1,65 m. Le châssis est plus long afin d'obtenir une période d'oscillations plus longue pour augmenter le confort des passagers. Dans ce même but a été augmentée la longueur des ressorts. La direction est irréversible et à volant d'un système particulier à Griffon avec amortisseur et rattrapage de jeu.
La mécanique est la même qu'en 1906, un moteur Zedel 4 HP de 475 cm³ (alésage par course 82 x 90 mm) et un changement épicycloïdal Bozier à deux vitesses et embrayage à cône. Les deux rapports donnent 10 km/h en petite vitesse et 25 km/h en grande vitesse (le catalogue 1911 donne, 10 km/h en 1re et 30 km/h environ en 2e, la vitesse maximale est de 40 km/h). La transmission se fait par une chaîne de 8 mm de large de laquelle la ligne tombe entre le deux roulements du moyeu arrière et non en porte-à-faux. Le pignon avant possède 14 dents, celui de la couronne 70 dents. La mise en marche du moteur se fait par toupie. Un grand levier de changement de vitesses se trouve à la droite du conducteur.
Le groupe moteur est placé très bas entre les longerons du châssis. Le carburateur est un Zedel. L'allumage se fait par accumulateur et bobine "Nieuport" ou "Griffon" (1911) et bougie "Griffon". L'allumage par magnéto n'existe qu'en supplément (135 frs.). Les manettes commandant l'avance à l'allumage et les gaz sont placées sur la colonne de direction. Tous les 10 à 12 kilomètres faut-il actionner la pompe de graissage placé sur le caisson sous le baquet à la droite du conducteur.
Le refroidissement se fait par l'eau qui circule par thermisiphon. Le réservoir contient 12 litres d'eau ; deux radiateurs sont placés de chaque côté du caisson. Le réservoir d'essence contient 6 litres, celui d'huile 1 litre, ce qui est suffisant pour 110 – 120 kilomètres d'autonomie, la consommation étant de 6 litres par 100 kilomètres.
Deux freins à segments commandés par un levier à main sont calés sur le moyeu de part et d'autre de la roue arrière. Ils agissent par l'extension à l'intérieur d'une couronne métallique de deux sabots garnis de cuir et écartés par une came. Les ailes sont en acier ou en bois.
Le poids réel de la trivoiturette en état de marche est de 250 kg (215 kg, selon le catalogue).
En supplément était disponible une caisse de livraison de 80 x 55 x 55 cm en combinaison avec un siège arrière en pégamoïd (250 frs.). Également en tant qu'accessoires étaient disponibles une bâche de protection sous le moteur (50 frs.) et un tablier sur le siège avant (40 frs.).
Pour finir, voici une petite série dessinée par Jean Matet en 1909/1910. Nous suivons la famille de l'affiche plus haut lors de l'achat de leurs véhicules Griffon et lors de leur sortie.
Chapitre créé le 26 novembre 2018