Au Coin du Tricar

Réducteurs épicycloïdaux - Introduction


Beaucoup de tricars utilisèrent un changement de vitesse à engrenage épicycloïdal qui possède le grand avantage sur les boîtes de vitesses à train baladeur que les pignons et roues dentées sont toujours en prise, car les changements de rapport s'effectuent sans déplacer les pignons de leur position, ce qui évite des craquages causant souvent des ruptures de dents. Un autre atout est la construction courte de ce type de changement. Sur les tricars, on n'utilisait que des réducteurs épicycloïdaux à deux vitesses, pour lesquels un simple train planétaire est suffisant. En théorie, un simple train planétaire est capable de donner trois vitesses et une marche arrière. Mais cela rendrait nécessaire plusieurs arbres d'entraînement et de sortie, raison pour laquelle l'utilisation d'un simple train planétaire n'est pas appropriée pour une automobile à plus de deux vitesses. Pour ne pas multiplier le nombre des arbres, il fallait donc renoncer à un rapport intermédiaire entre la petite vitesse et la grande vitesse (prise directe).
schema d'un changement épicycloïdal

Les dessins ci-contre montrent la structure d'un tel train planétaire :
 
Un train planétaire se compose
– d'un pignon soleil
– de deux à quatre pignons planétaires
– de la couronne à denture intérieure
– du porte-satellites qui porte les axes des pignons
   planétaires.
 
Toutes les roues dentées sont montées pour tourner en rotation sur des axes et sont toujours en prise. Afin d'obtenir un rapport de transmission, il est nécessaire d'immobiliser l'un des éléments du changement, soit par un frein, soit par une liaison rigide entre deux éléments au moyen d'un embrayage.

Nous attirons néanmoins l'attention du lecteur sur le fait qu'il ne s'agit ici que d'un schéma didactique généralisé pour illustrer le fonctionnement d'un changement de vitesse épicycloïdal. Dans la pratique, les réalisations se sont souvent éloignées de ce schéma. Sur plusieurs constructions, par exemple, la couronne à denture intérieure est absente, ce qui entraîne l'utilisation d'un ensemble de deux pignons planétaires de différents diamètres au lieu d'un seul pignon par axe, comme sur le réducteur Bozier.
 
Train planétaire, schéma

Petite vitesse

Les pignons planétaires sont entraînés par la roue soleil et roulent dans la couronne qui est immobilisée. Ils entrainent le porte-satellites qui est solidaire de l'arbre ou du pignon de sortie. Examinons maintenant les mouvements de l'ensemble formé par le pignon planétaire et la roue soleil d'une part ainsi que ceux de l'ensemble formé par le pignon planétaire et la couronne d'autre part en supposant que le pignon planétaire a 20 dents et la roue soleil en a 40.
 
mouvements des pignons
 
porte satellites et roue soleil, mouvements relatifsAu terme d'une rotation complète du pignon planétaire (z = 20), la roue soleil (z = 40) fait la moitié d'une rotation (ci-dessus, à gauche). En même temps, les 20 dents du pignon planétaire roulent sur 20 dents de la couronne immobilisée et le porte-satellites fait un quart de tour de plus (ci-dessus, à droite).
 
Le mouvement total de l'ensemble roue soleil – porte-satellites se compose par les mouvements suivants :
– porte-satellites : ¼ tour
– roue soleil : ½ tour pendant le mouvement 1 et ¼ tour pendant le mouvement 2, soit ¾ tour en tout.
Le rapport r est donc : r = ¾ : ¼ = 3 : 1. La première vitesse donne une forte réduction; le rapport de réduction 3 : 1 est d'ailleurs le même que celui de la petite vitesse du moyeu Rivierre.
L'arbre de sortie tourne dans la même direction que l'arbre d'entraînement.
 
Prise directe
Grande vitesse
 
En grande vitesse, la roue soleil qui entraîne l'ensemble est couplé à la couronne à denture intérieure. Les pignons planétaires ne roulent pas, mais font office d'entraîneur entre la roue soleil et la couronne. La roue soleil, les pignons planétaires, le porte-satellites et la couronne tournent en tant qu'une unité rigide. La prise directe (grande vitesse) est donc enclenchée lorsque deux parties du changement sont couplées. La sortie de la force se fait toujours via le porte-satellites. Le rapport est de 1 : 1.
 
brevet Bozier 1904, changement de vitesseLe schéma que nous venons de décrire est, mutatis mutandis, commun à tous les réducteurs épicycloïdaux à simple train planétaire. Mais, comme déjà mentionné plus haut, la couronne à denture est absente sur plusieurs constructions, ce qui entraîne l'utilisation de deux jeux de pignons planétaires de diamètre différent et d'un deuxième pignon soleil de sortie. La commande est assurée ordinairement au moyen d'un frein à sangle pour bloquer la couronne et d'un embrayage pour accoupler les éléments du changement. Dans le cas des réducteurs dépourvus de couronne, le port-satellite prend souvent la forme d'un tambour que l'on peut immobiliser au moyen d'un frein à sangle (ci-contre, changement Bozier. Nous avons consacré un chapitre séparé au réducteur Bozier sur le site Austral, cliquez ici.).
 
En général, on employait deux types de changements qui se distinguent par leur situation de montage.
 
changement de vitesse Bozier et moyeu Rivierre
 
Le premier type est monté directement sur l'arbre moteur ou derrière le moteur, l'autre type est logé dans le moyeu de la roue arrière et est entraîné par la chaîne de transmission ou par courroie. En France, ce dernier type est représenté par le moyeu Rivierre qui dominait le marché conjointement avec le changement Bozier, le représentant classique d'une boîte montée sur le moteur. Assez encombrant, le Bozier fut surtout utilisé sur les tricycles, voitures et tricars. Pour les motocyclettes, on a utilisé en France aussi la boîte épicycloïdale NSU (lic. Friedrich Wilhelm Kupke), qui est beaucoup plus petite et légère que le réducteur Bozier.
 
Pour donner une petite impression de la diversité de construction des réducteurs épicycloïdaux à l'époque, nous en montrons quelques exemples.
En ce qui concerne les changements montés directement sur le moteur ou directement derrière celui-ci, nous avons déjà mentionné ailleurs les changements épicycloïdaux Fafnir et NSU à deux vitesses. La poulie NSU/Kupke était la plus petite du marché. Elle fonctionnait très bien et était facilement adaptable à un moteur quiconque en changeant la poulie (vers la description détaillée). 
 
changements de vitesse Fafnir et NSU
Le réducteur Fafnir (à gauche), qui utilise un simple train planétaire avec couronne, est monté derrière le moteur et entraîné dès l'arbre moteur au moyen d'une cascade successive de trois pignons (vers la description du réducteur Fafnir). Cette disposition réduit la largeur de l'engin et permet, le cas échéant, le démarrage par manivelle que l'on place sur le pignon de sortie entraînant la boîte. Le rapport de réduction de la boite Fafnir est de 2 : 1.
La "poulie" NSU/Kupke (à droite) avec embrayage monodisque ou multidisque (pour sidecar ou cyclecar) est montée directement sur l'arbre moteur et donne un rapport de 3:2.
 
Un autre représentant d'un changement épicycloïdal monté sur l'arbre moteur est la boîte anglaise "Fits all" ("adaptable à tout"). Nous nous arrêtons un instant sur ce réducteur, parce qu'il est un exemple typique d'une construction utilisant un porte-satellites en forme de tambour, que l'on peut immobiliser, au lieu d'une couronne à denture intérieure.
 
changement de vitesse "Fits all"

Changement de vitesse épicycloïdal "Fits all" monté sur le carter moteur.

Légende :
Main drive gear: roue soleil menant.
Face cam : came frontale.
High speed flasque plate : flasque d'embrayage pour la grande vitesse.
Slow speed band: frein à sangle pour la petite vitesse.
Crankcase : carter moteur.
Engine shaft : arbre moteur.
V-belt pulley : poulie pour courroie en V.
Drive belt: courroie de transmission.
Anchorage : fixation.
 
Sur l'arbre moteur A est clavetée une douille portant l'ensemble de l'engrenage. Solidaire de cette douille est un pignon menant qui joue le rôle du pignon soleil. Le pignon menant (roue soleil) qui est en prise avec les pignons planétaires entraîne l'ensemble qui tourne fou sur le dessin ci-dessus sans entraîner la poulie de transmission I. Lorsqu'on serre le frein à sangle G autour du tambour H formant le porte-satellites, celui-ci ne tourne plus, tandis que les pignons planétaires L tournent sur leurs axes et entraînent le pignon B qui, lui, est solidaire de la poulie de transmission. La poulie I, qui peut être remplacée au choix par un pignon de chaîne, tourne à une vitesse réduite par rapport à l'arbre moteur, car les pignons planétaires L qui sont en prise avec le pignon B de la poulie sont plus petits que celui-ci. C'est la petite vitesse.
Pour enclencher la grande vitesse (prise directe), le frein à sangle G est desserré et le plateau de l'embrayage F est pressé fermement contre le tambour H. Par conséquent, l'ensemble entier est accouplé de manière rigide et la force se transmet directement de l'arbre moteur A à la poulie de transmission I.
 
Également répandus sur les motocyclettes et tricars étaient les changements épicycloïdaux montés dans le moyeu de la roue. Ce type de changement de vitesse est emprunté des bicyclettes, sur lesquelles il apparut dans la seconde moitié des années 1890 (p. ex. "The Hub", 1898).
 
moyeu Eadie pour bicyclettes
 Moyeu Eadie à deux vitesses, pour bicyclettes.
 
Le représentant le plus connu en France pour motocyclettes et tricars est sans doute le moyeu Rivierre (ci-dessous). Ce moyeu très compact dispose d'un train planétaire classique comprenant un pignon soleil, un jeu de pignons planétaires et une couronne.
 
Très similaire à celui du changement anglais "Fits all" (voir plus haut) est le fonctionnement du moyeu américain Thiem qui équipait les motocyclettes de la même marque.
 
Thiem, changement de vitesses épicycloïdal
 Moyeu Thiem à deux vitesses, coupe

Thiem, changement de vitesses, moyeu
 Moyeu Thiem, partiellement démonté pour montrer le mécanisme

Au lieu d'une couronne, il y a deux jeux de pignons planétaires de différents diamètres lesquels engrènent avec deux pignons soleil, dont l'un (le plus petit) est claveté sur l'axe de la roue, tandis que l'autre est solidaire du moyeu. Un tambour renferme le train planétaire et porte la grande poulie de transmission, laquelle est fixée au tambour par des rayons ordinaires. De l'autre côté de la roue est disposé un tambour portant deux freins à sangle, dont l'intérieur (celui qui est plus proche de la roue) est le frein de service qui freine le moyeu indépendamment de l'engrenage. Le frein extérieur sert à enclencher la petite vitesse. En le serrant, le tambour et l'axe qui le porte sont immobilisés. Les pignons planétaires qui tournent sur leurs axes entraînent à une vitesse réduite la partie intérieure du moyeu. La grande vitesse (prise directe) est enclenchée au moyen d'un cône coulissant qui actionne un embrayage en forme d'un frein à segments extensibles à l'intérieur du tambour. Cet embrayage retient tout l'ensemble de sorte qu'il tourne avec l'axe de la roue. La mise en marche du moteur se faisait par une manivelle placée sur l'axe de la roue.
 
VS, moyeu a deux vitesses
 Moyeu Vindec Special (V.S)

Assez populaire en Allemagne et en Angleterre était le réducteur Vindec Special (V.S.)  logé dans le moyeu de la roue arrière. Ce changement utilise également deux jeux de pignons planétaires au lieu d'un seul jeu de pignons planétaires et une couronne à denture intérieure. Lorsque l'un des deux jeux de pignons est immobilisé par le frein désigné à cette fin, on obtient une réduction de 2 : 1 (50 %). En prise directe (grande vitesse), le carter du moyeu est couplé avec la roue arrière au moyen d'un embrayage à dents.
 
VS, levier du changement

Le changement de vitesse est actionné par un grand levier disposé à côté gauche du réservoir (ci-dessus). La position centrale du levier correspond au point mort. En tirant le levier lentement vers soi, le conducteur enclenche progressivement la petite vitesse. Pour enclencher la grande vitesse, il faut pousser le levier complètement en avant et actionner en même temps le lève-soupape afin de réduire un peu la puissance du moteur. Une fois l'embrayage à dents complètement embrayé, on peut laisser tomber la soupape d'échappement et la machine atteint la vitesse maximale.

Nous terminons ce tour d'horizon nécessairement incomplet avec le moyeu Georgia Knap qui équipait la tri-voiturette G. Knap, fabriquée par la Construction Liégeoise d'Automobiles (Liège).
 
1898, moyeu de la voiturette Knap
 Moyeu Georgia Knap
 
 La particularité de cette construction, dont le lecteur trouve une description exhaustive ici, réside dans le fait que tous les composants d'un changement épicycloïdal sont placés en double exemplaire sur les deux côtés de la roue arrière et renfermés dans un carter en tôle. On a donc deux pignons soleils de diamètres différents Z, Y, deux pignons planétaires O (seulement un par jeu), deux couronnes A, B, deux freins à sangle et deux embrayages à cône Q, R.
 
 

 

Chapitre créé le 11 août 2019
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