Au Coin du Tricar

Longuemare types B et E



Veuve Longuemare, publicité
 
Longuemare est sans doute l'un des noms importants de l'histoire de l'industrie automobile française, mais la notoriété du nom est inversement proportionnelle à la connaissance des personnages qui le rendirent célèbre.
 
Ateliers Longuemare, essais des pointeaux des carburateurs
Ateliers des Établissements Vve. L. Longuemare (1902) : essais de carburateurs (ci-dessus) et des pointeaux (ci-dessous)

Ateliers Longuemare, essais des carburateurs
 
À l'origine de la maison Longuemare, qui fut fondée en 1872, étaient Léon Joseph Longuemare (3 mai 1832 – 24 octobre 1883), fabricant de mouchoirs, et son épouse Adèle-Amélie Lechesne (7 novembre 1841 – 20 février 1911), fille d'un fondeur. Le couple avait cinq enfants : Robert Léon Longuemare (*25 avril 1864, Bolbec/ Seine-Maritime) ; Thérèse Marie Amélie L. (Bolbec, 21 août 1871 – 11 juillet 1921 Paris) ; Jeanne Françoise L. (*1876); Fernand Joseph Longuemare (Bolbec, 5 juillet 1860 – 23 octobre 1918, Paris) et Georges Paul Longuemare (Bolbec, 13 novembre 1866 – 1er juillet 1940, Saint-Cloud/ Seine-et-Oise).
 
Les frères Longuemare, portraits
 
Après la mort de Léon Joseph Longuemare en 1883, c'est Adèle-Amélie Lechesne, la veuve L. Longuemare, "industrielle", qui dirige l'entreprise et qui signe tous les 33 brevets de la maison jusqu'en 1906. L'auteur de ces brevets est sans doute Georges Paul Longuemare, ingénieur civil de profession et Chevalier de la Légion d'honneur (dès 1910), qui, conjointement avec son frère Fernand Joseph, était co-directeur de l'entreprise familiale.
 
1907, publicité pour les carburateurs Longuemare
Publicité datant de 1907
 
Le 18 décembre 1906 est fondée la société en nom collectif au capital de 40 000 francs F. et G. Longuemare Frères, tourneurs, soudeurs et repousseurs, 12 et 14, rue du Buisson Saint-Louis, à Paris (Xe), successeurs, depuis le 1er janvier 1907, de la maison Vve L. Longuemare. La durée de la société est fixée à 20 ans et trois mois. Le contexte de la fondation de cette nouvelle société est le retrait de la veuve Longuemare, âgée de 65 ans en 1906, de toutes les activités de l'entreprise. En rapport avec cela, Amélie Lechesne cède le 15 janvier 1907 aussi ses droits aux brevets des innovations à la société F. et G. Longuemare Frères.
 
La lampe à souder, breveté par Longuemare en 1891
Lampe à souder "L'Inexplosible", brevetée le 28 février 1891
 
L'activité des frères Longuemare comprenait surtout la fabrication de carburateurs utilisant l'essence, le pétrole lampant ou l'alcool pour tous genres de moteurs à explosion, pour motocyclettes, voitures, bateaux, moteurs fixes, mais aussi la fabrication de brûleurs, de filtres, de robinetterie automobile, de réservoirs, de lampes à souder, de gazogènes et de chalumeaux.
 
Georges Longuemare en 1905
Georges Longuemare, l'un des commissaires du Tour de France en 1905 lors du poinçonnage des machines.  
(voir la photo complète)
Comme d'autres industrielles de l'automobile, les frères Longuemare étaient membres des clubs automobiles les plus prestigieux au sein desquelles ils occupèrent des positions importantes. Ils étaient membres de la Commission de tourisme de l'Automobile Club de France (A.C.F.) et Georges était de plus membre de la Commission technique et secrétaire de la Commission des Concours du même club. George était en outre vice-président de l'Auto-Cycle Club de France et membre de la Société des Ingénieurs civils.

les frères Longuemare et l'un de leurs carburateurs
 
 
 
Le carburateur Longuemare série B

Le carburateur Longuemare, qui apparut en 1900 comme version définitive du modèle présenté au Salon 1898, a équipé la grande majorité des tricars français. Désigné comme série B, ce carburateur existait en deux versions : une petite version pour motocyclettes (ci-dessous, à gauche) disponible avec sortie de gaz de 18 mm (B 18, pour moteurs de 1 CV ¾) et de 22 mm (B 22), ainsi qu'une version pour "forts moteurs" et moteurs de voitures (ci-dessous, à droite). Celle-ci était d'abord disponible en 5 grandeurs, B 26, B 34, B 41, B 48 et B 56.
 
Longuemare, carburateurs B18 et B56, dessin
carburateurs Longuemare série B, photos
   Carburateur Longuemare série B ("type général") pour motos           Carburateur Longuemare série B pour forts moteurs.

Extérieurement, les deux versions sont facilement identifiables en raison des dispositions différentes des chambres du réchauffeur ("R" sur les dessins ci-dessus) entourant soit le chalumeau-pulvérisateur, soit la chambre d'essence. Sur le type B pour moteurs forts ci-dessus, à droite, la chambre (R) est placée au-dessus du canal qui connecte la cuve d'essence au corps du carburateur et entoure le chalumeau pulvérisateur. Le diamètre de la partie inférieure du corps devient par conséquent plus grand. Sur le carburateur B pour motocyclettes, la chambre du réchauffeur est disposée en grande partie au-dessous dudit canal et entoure la chambre d'essence. Le corps cylindrique du carburateur est donc plus long et de diamètre constant.
 
 Carburateur Longuemare sur une motocyclette Doué 1903 ou 1904
Carburateur Longuemare série B pour motocyclettes.
 
Les deux versions du carburateur série B sont établies en cuivre embouti et bronze. La partie inférieure du corps porte la cuve d'essence et est vissée sur la partie supérieure du corps contenant la chambre de gaz. Dans le cas de la petite version de la série B, cette partie inférieure comprend la chambre d'essence et la chambre du réchauffeur, sur la version pour forts moteurs, cette partie comprend le chalumeau-pulvérisateur et la chambre du réchauffeur.
 
Fonctionnement

L'image ci-dessous montre le carburateur série B pour forts moteurs, dont le fonctionnement est identique au petit modèle B pour motocyclettes.
Ce carburateur à pulvérisation et à niveau constant est composé du corps du carburateur proprement dit et d'une cuve d'essence (A) qui est liée au carburateur par une attache vissée et soudée. La cuve est fermée par un couvercle étanche (C) muni d'un titilleur (piston à ressort) E et portant un bouchon (D) au centre. L'essence arrive dès le réservoir par le raccord conique I, pénètre dans la cuve après son passage par le raccord conique et le filtreur H qui retient les impuretés au moyen d'une toile métallique. Un bouchon de purge (J) situé en bas permet d'évacuer les impuretés.
À l'intérieur de la cuve se trouve un flotteur qui, tant que la cuve sera vide, s'appuie sur l'extrémité de chacun des deux leviers bascules GG. Ceux-ci, oscillant sur leurs pivots, soulèvent la masse F et la tige du pointeau du flotteur qui à son tour libère un petit orifice par lequel l'essence entre dans la cuve. Par conséquent, le flotteur est soulevé et cesse d'appuyer sur les leviers GG. Le pointeau retourne maintenant par son poids et par celui de la masse F dans sa position initiale et ferme l'arrivée de l'essence. En appuyant légèrement sur la tige du titilleur E, le conducteur peut sentir le contact du flotteur pour s'assurer de l'arrivée de l'essence dans la cuve et noyer le flotteur pour enrichir le mélange.
 
carburateur Longuemare série B, coupe
 
carburateur Longuemare série B, coupe. LégendeLe carburateur lui-même se compose d'un chalumeau-pulvérisateur L, d'un tube étrangleur N, d'une clé de carburation Q, d'un robinet de quantité de gaz et d'un réchauffeur. Son corps est muni de deux brides, dont l'inférieure X se communique avec l'air extérieur et la bride supérieure Y se communique avec la chambre de combustion du moteur. Le niveau de l'essence réglé constamment par le flotteur est mesuré de façon que son niveau s'établit dans la chambre M' à quelques millimètres au-dessous de sa partie supérieure. La partie supérieure de la chambre M' est fermée par un chalumeau-pulvérisateur L dont la tête en forme d'un cône très largement aplati est entaillée par des rainures très fines. La tâche de ce "champignon" est de pulvériser en jets fins l'essence jaillissant par l'action de l'air aspiré et de faciliter son mélange intime avec l'air. En haut sur le carburateur est disposée la manette de carburation S dont le mouvement rotatif imprime au moyen de la tige qui les relie une rotation à la clé de carburation Q, laquelle est maintenue par un ressort contre un épaulement circulaire ménagé à l'intérieur du corps du carburateur. La clé Q, qui maintient le tube d'étranglement N, permet de couvrir ou de découvrir les échancrures PP. Une autre manette T, celle du robinet de quantité de gaz carburé, est également disposée en haut du carburateur ; elle commande une clé dont la partie pleine peut obstruer plus ou moins l'orifice de sortie Y. La course de chacune des manettes est marqué sur le couvercle par les lettres O (ouvert) et F (fermé).
Pour le démarrage, on place la manette S marquée "Air" sur la lettre F et la manette T sur la lettre O et actionne les pédales ou la manivelle de démarrage. La dépression dans la chambre R provoquée par le piston descendant fait "aspirer" l'air qui pénètre par la bride X et prend la seule issue disponible à travers l'espace circulaire entre le tube d'étranglement N et le chalumeau L. La forte accélération à laquelle l'air est soumis par l'étranglement lors de son passage fait jaillir l'essence dans la chambre MM', lequel est pulvérisé par le champignon (L) et se mélange intimement avec l'air. Le mélange traverse les orifices du disque perforé O, la chambre de gaz R, la bride Y et entre dans le cylindre du moteur. Après le démarrage, on cherche le meilleur mélange en agissant sur la manette S. La quantité de gaz carburé est réglée en agissant sur la manette T.
 
carburateurs Longuemare montés sur des moteurs Villemain, photos
À gauche : un carburateur série B monté sur un moteur Villemain tiers de litre (tricar Chanon). La flèche montre la connexion du réchauffeur. Ici, le tube de dérivation des gaz d'échappement, comme souvent, est absent. Par contre, les deux tubes sont connectés sur le carburateur Longuemare à papillon et sortie de gaz vers le haut (série E ?) du moteur Villemain à droite.

Tous les carburateurs série B sont munis d'un réchauffeur, qui, dans le cas d'un moteur refroidi à air, pouvait être connecté à un tuyau métallique de dérivation qui amène du gaz chaud de l'échappement afin de compenser le refroidissement produit par le passage de l'air et l'évaporation de l'essence. Un robinet permet de régler la quantité de gaz dérivés en fonction de la température ambiante. Les gaz d'échappement utilisés s'échappent par un autre raccord du réchauffeur. Sur les moteurs refroidis à eau, on pouvait connecter le carburateur au réservoir d'eau et faire circuler de l'eau chaude par la chambre du réchauffeur.
En outre, il fallait diriger le tube conduisant l'air aspiré dans le carburateur vers une partie chaude du moteur. Pour "attraper" une quantité plus grande d'air préchauffé, le tube d'admission porte souvent un embout métallique en forme de cône ou de trompette (ci-dessus, à gauche). Recommandé pour le bon fonctionnement du carburateur, l'air préchauffé contient cependant moins d'oxygène, ce qui diminue légèrement la puissance du moteur. 

Le tableau ci-dessous montre tous les grandeurs du carburateur série B disponibles (1908—1914).
 
carburateurs Longuemare, tableau

Pour les lecteurs qui parlent la langue de l'hégémon, voici un dessin du carburateur Longuemare série B avec des légendes en anglais.
 
carburateur Longuemare, dessin, anglais
 
Le prédécesseur du carburateur Longuemare série B (1898)
 
Le carburateur série B représente une version améliorée par rapport à son prédécesseur de courte durée. Les changements concernent surtout le corps du carburateur avec sortie des gaz carburés placée en haut.
 
1898, carburateur Longuemare
 
L'essence venant de la cuve passe par le canal aa' dans le vaporisateur V. Dans la partie inférieure de celui-ci, l'essence est légèrement chauffée, car une partie dérivée des gaz d'échappement circule par la chambre C, qui entoure le conduit de l'essence. L'air aspiré par le moteur entre par la bride D et pénètre dans l'étrangleur D qui réduit la section d'écoulement pour augmenter la vitesse du courant de l'air, qui est également préchauffé par la chaleur rayonnée par les ailettes du cylindre et de la culasse. Entraînée par l'air, l'essence jaillit, passe par un tamis en toiles métalliques et traverse la pièce I, où elle est pulvérisée par le "champignon" cannelé h. L'essence pulvérisée s'échappe alors par les rainures du champignon et se mélange intimement avec l'air chaud qui afflue de la bride D. Ce gaz hydrocarburé traverse ensuite une autre série de toiles métalliques T pour pénétrer dans le robinet à deux clés K et K'. La clé K règle la quantité de gaz à admettre au cylindre, tandis que la clé K' règle la quantité d'air pur, admise par la fente latérale m pour se mélanger avec l'air carburé avant de passer au cylindre par la tubulure supérieure O.
Les deux robinets K et K' sont munis de tringles de commande pour le réglage du carburateur depuis le siège du conducteur.

 
Le carburateur Longuemare type E
 
Nous ajoutons ici le carburateur Longuemare type E qui fut breveté en 1903 (brevet Nº 335.250, 31/8/1903).
Afin d'éviter des erreurs, nous attirons l'attention du lecteur sur le fait que le carburateur série E est affiché dans quelques catalogues des maisons de fourniture en utilisant une image qui en réalité représente un carburateur série B pour motocyclettes :
 
carburateur Longuemare série E
 
carburateur Longuemare série E, publicitéExtérieurement, le carburateur série E se différencie du type B par la sortie des gaz carburés vers le haut et par l'entrée de l'air située plus bas, au-dessous du corps contenant le chalumeau-pulvérisateur et la chambre du réchauffeur. Il s'agit d'un carburateur pour motocyclettes ayant une sortie de gaz de 20 mm.
La structure et le fonctionnement du carburateur type E sont similaires à ceux du type B. La différence principale réside dans le réglage automatique d'admission au moyen d'une pipe munie d'un clapet vertical obturant l'embouchure d'admission d'air et s'ouvrant progressivement suivant le degré d'aspiration du moteur. Le dessin ci-dessous, qui est issu du brevet de 1903, illustre le réglage automatique.
On voit en "a" la pipe qui est obturée par un volet vertical "e" articulé en "f" et muni d'un poids "g" à sa partie inférieure. En se fermant par son propre poids, le volet "e" vient buter contre une vis de butée "h" qui constitue un arrêt. Lorsque le moteur marche à petite vitesse, le contrepoids "g" du volet offre une résistance à l'ouverture du volet permettant une dépression suffisante pour que l'essence jaillisse par les rainures du pulvérisateur ("champignon") et il se forme un mélange gazeux convenable. Lorsque la marche du moteur est plus vite, la dépression dans la pipe "a" devient plus forte, la quantité d'air entrant dans la pipe "a" augmente et maintient le volet plus ouvert. De cette façon, le degré de l'ouverture du volet est automatiquement proportionnel à la vitesse du moteur, ou plutôt à la quantité de mélange aspiré. À la différence du carburateur B, la quantité de mélange aspirée par le moteur est réglée dans le carburateur type E par un papillon articulé dans la pipe de sortie des gaz, qui, elle, est dirigée vers le haut.
 
 Longuemare, dessin du brevet 1903
 
Comme la plupart des carburateurs "automatiques" pour motocyclettes de l'époque, le carburateur Longuemare type E est muni d'une prise d'air additionnel, facilement réglable par le conducteur. Ce dispositif est rendu nécessaire, parce que les carburateurs dits "automatiques" étaient réglés avec excès d'essence. Cela tenait au fait que la valve automatique n'empêchait pas la carburation de varier avec l'altitude, la pression barométrique, l'état hygrométrique de l'air, la force de l'aspiration du moteur (segments, soupapes en défaut) et la qualité de l'essence. Pour éviter de marcher normalement avec excès d'essence, le carburateur type E permet d'appauvrir le mélange moyennant le collier de réglage d'air Cl (dessins et photo ci-dessous). Ce collier peut découvrir plus ou moins des échancrures qui livrent passage à une certaine quantité d'air pur.
 
Longuemare type LB 1914, dessin
Carburateur Longuemare séries E et H (1914)
 
L'avènement des moteurs plus puissants pour motocyclettes et tricars a conduit à l'introduction d'un carburateur plus grand avec une sortie de gaz de 24, 28, 32 et 36 mm, la série H. 


Carburateur Longuemare sans valve automatique (série F ?)

La structure et le fonctionnement de ce carburateur sont similaires au Longuemare série E, mais la valve automatique a été supprimée (ci-dessous). La partie inférieure contenant le deuxième papillon (S, ci-dessus) est absente. L'entrée de l'air se trouve en X. La quantité de gaz carburé au moteur est réglée par le papillon Pp. Comme sur le carburateur série E, le collier Cl permet d'appauvrir le mélange trop riche à des vitesses élevées du moteur.
 
carburateur Longuemare, dessin

La photo ci-dessous d'un carburateur Longuemare sans valve automatique montre le collier de réglage actionné par un système de tringles et manette. Le levier Pp qui commande le papillon également par tringle et manette est manquant.
 
 le carburateur Longuemare d'une moto Simonet


 
Chapitre créé le 21 juin 2019
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